- Accueil
- Lutte ouvrière n°2214
- Train Strasbourg-Port-Bou : La politique de la SNCF en cause
Dans les entreprises
Train Strasbourg-Port-Bou : La politique de la SNCF en cause
Quinze heures : c'est le retard qu'ont subi les 600 voyageurs du train reliant Strasbourg à Nice et Port-Bou dans la nuit du 26 au 27 décembre. Durant 22 heures ils sont restés bloqués dans des rames dont les toilettes étaient dépourvues de réserve d'eau. Du fait d'un nombre insuffisant de plateaux repas, seule la moitié d'entre eux a pu être ravitaillée au bout de 15 heures seulement. Face à ces situations intolérables, on comprend que la colère des voyageurs ait pu exploser.
Dans le rapport qu'elle vient de publier, la SNCF ose cette conclusion : « Il aurait été préférable de ne pas faire partir ce train de Strasbourg ce soir-là » et d'ajouter : « C'est parce que nous avons voulu trop bien faire » que les choses en sont arrivées là. Autant dire que la SNCF ne reconnaît pas ses responsabilités dans cette succession d'incidents. Pas question pour elle de dire que sa politique d'économies à tout va, faite de suppressions d'effectifs, d'économies sur les entretiens, est cause des dysfonctionnements. Pas question d'incriminer non plus son organisation du travail qui dorénavant éclate et cloisonne les services, rendant difficile une intervention rapide et efficace dès lors qu'une défaillance survient.
Et pourtant, c'est bien la politique de la SNCF qui est à l'origine de chacun des problèmes survenus, une politique qui n'est évidemment pas indépendante de celle du gouvernement dont la représentante, Nathalie Kosciusko-Morizet, estime pourtant avoir été trompée par les propos mensongers de dirigeants de la SNCF.
Cette même SNCF est cette fois en peine pour trouver des boucs émissaires de manière à masquer ses responsabilités. Les voyageurs ne se sont d'ailleurs pas trompés quand, à l'issue du périple, ils ont applaudi le conducteur et les deux contrôleurs, sans qui le voyage aurait été pire encore.
La principale cause du retard a été l'absence de relève du conducteur en gare de Belfort, son remplaçant (venant de Lyon en taxi !) n'étant arrivé qu'à 5 h 45 du matin au lieu de 23 h. C'est que le conducteur initialement prévu avait été décommandé pour cause de journée à rallonge, sans que son remplaçant ait été prévu. La SNCF avoue d'ailleurs le manque d'effectifs du centre de maintenance opérationnel chargé entre autres de cette tâche et elle a promis (un peu tard) un renforcement de ces équipes « en cas de coup dur ».
Mais il y a seulement quelques années, un tel incident aurait pu être résolu rapidement en faisant appel à des conducteurs de réserve proches de Belfort. Aujourd'hui cela n'a pu être le cas, à cause de la suppression en cours de cette réserve. Les agents de conduite de Vierzon sont actuellement dans un mouvement de grève contre la suppression des réserves de conducteurs. Alors, si la direction était sincère quand elle promet après coup le renforcement des équipes, elle commencerait par donner satisfaction aux agents de conduite de Vierzon, ce qu'elle se garde bien de faire.
Autre source de dysfonctionnements : l'éclatement des activités. Il est en effet aberrant que seul un conducteur de Lyon ait pu assurer la relève du train en question parce que les conducteurs disponibles sur Belfort, Besançon... ne dépendent plus de l'activité Grandes Lignes et ne sont donc plus autorisés à la conduite de ce matériel roulant, qu'ils connaissent pourtant fort bien.
Pour expliquer cette débâcle, il faut encore ajouter l'absence de maintenance sur les rames, faute de temps et de réserve de matériel roulant. C'est cela qui a infligé aux voyageurs des toilettes sans eau. Là encore, la pratique, devenue monnaie courante dans les ateliers de maintenance, y compris de TGV, est de « mettre au commercial », c'est-à-dire en circulation, des rames non entretenues faute de temps. C'est vraisemblablement aussi un défaut d'entretien et de purge de la glace dans les circuits d'air qui explique la panne d'un TER à Montbéliard, sur la même voie que le Strasbourg-Port-Bou, rajoutant deux heures au marathon.
On le voit la succession de défaillances qui a abouti à ces quinze heures de retard est le produit d'une politique soigneusement planifiée de suppressions d'effectifs (4 000 l'an passé, 2 000 encore prévues en 2011) et du cloisonnement croissant des activités, prélude à de possibles privatisations de secteurs rentables. Tout cela, au mépris de la sécurité et du service dû au public.