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- Lutte ouvrière n°2214
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Italie : Fiat à l'offensive contre les droits ouvriers
Des travailleurs à la disposition de l'entreprise, quand et comme celle-ci le décide : voilà le contenu de l'accord que le PDG de Fiat, Sergio Marchionne, voudrait imposer dans sa principale usine, celle de Turin-Mirafiori, tout comme il l'a fait il y a six mois dans celle de Pomigliano d'Arco, près de Naples.
Ainsi l'accord signé le 23 décembre prévoit que les pauses seront réduites, que quatre types d'horaires de travail pourront être imposés, y compris un horaire comprenant une équipe de nuit sur six jours et des équipes pouvant aller jusqu'à dix heures. La direction pourra décider d'imposer jusqu'à 120 heures supplémentaires par an, et éventuellement 80 autres heures en concertation avec les syndicats. Sous prétexte de lutter contre l'absentéisme, les premiers jours de maladie pourraient ne plus être payés.
Cet accord ahurissant a été signé par la quasi-totalité des syndicats confédéraux, à l'exception notable de la Fiom, la fédération de la métallurgie de la CGIL, la CGT italienne, et des petits « syndicats de base » existant en Italie. Mais ce n'est pas tout. La pleine application de l'accord interviendrait à partir de 2012, avec la formation d'une « New Company » issue de la collaboration entre Fiat et le constructeur américain Chrysler. Chaque ouvrier de Fiat devrait signer un contrat individuel de travail avec cette New Company, dans lequel il renoncerait par avance à certains droits : ainsi il accepterait de ne plus faire la grève des heures supplémentaires, sous peine de licenciement. D'autre part, Fiat démissionnant de la Confindustria, la confédération patronale italienne, ne serait plus lié par les contrats nationaux signés par celle-ci. Il en découlerait notamment que les seuls syndicats pouvant être représentés dans l'entreprise seraient... les syndicats signataires de l'accord : la Fiom et les syndicats de base n'auraient donc plus de délégués.
De toute évidence, le modèle que Fiat voudrait imposer dans ses usines préfigure ce qui pourrait être imposé à tous les travailleurs italiens, en annulant tout ou partie des droits ouvriers reconnus par le Statut des travailleurs adopté à la suite des luttes ouvrières des années soixante-dix. En la matière, Fiat, la Confindustria et le gouvernement Berlusconi mènent une offensive concertée, et concertée aussi avec la plupart des confédérations syndicales, y compris la CGIL. Car si la Fiom n'a pas signé l'accord et demande à la CGIL de déclarer la grève générale, la secrétaire générale de celle-ci, Susanna Camusso, se fait prier et, dans ses déclarations, admet la nécessité, invoquée à tout bout de champ par le patronat, d'« accroître la compétitivité » des entreprises italiennes... autrement dit l'exploitation des travailleurs.
Cet accord se place dans le contexte d'une véritable campagne autour de ce thème. Le patronat italien veut profiter de la crise pour se donner les mains libres face aux travailleurs. Les syndicats sont priés de se conformer à ses exigences, sous peine d'être exclus de la « concertation »... et même de toute représentation. La presse et la quasi-totalité des partis font chorus pour accuser d'archaïsme idéologique ceux qui, comme la Fiom, prétendraient encore qu'il faut défendre les droits ouvriers. Marchionne et la Fiat y vont de leur chantage, se déclarant prêts à investir jusqu'à vingt milliards d'euros en Italie... pour peu que l'on comprenne leurs exigences de production et que toutes les « rigidités » découlant du droit du travail disparaissent. Faute de quoi, Marchionne le dit clairement, Fiat irait investir ailleurs car actuellement, prétend-il, le groupe en Italie perd de l'argent !
C'est une pression et un chantage du type « si vous voulez un emploi, acceptez d'être esclaves », comme l'avaient déjà dénoncé des travailleurs de l'usine de Pomigliano. L'accord devrait être soumis à référendum vers le 20 janvier, après quoi les travailleurs de Turin-Mirafiori seraient mis au chômage pour presque un an en attendant la mise en place de la New Company prévue par Fiat. À moins que d'ici là les travailleurs du groupe, mais aussi ceux de toute l'Italie, fassent ravaler leurs prétentions à Marchionne et à tout le patronat.