Tunisie : La contestation du régime de Ben Ali s'élargit05/01/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/01/une-2214.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C240%2C324_crop_detail.png

Dans le monde

Tunisie : La contestation du régime de Ben Ali s'élargit

La colère qui a explosé dans la région de Sidi Bouzid, au centre-ouest de la Tunisie, à la suite de la tentative de suicide d'un jeune vendeur de légumes ambulant, continue de s'étendre à d'autres villes et à d'autres couches de la population, qui souffre majoritairement de la pauvreté, de l'injustice et de la corruption que le régime du dictateur Ben Ali, au pouvoir depuis vingt-trois ans, fait régner dans le pays.

Après les habitants de la région pauvre de Sidi Bouzid et des villes proches, ce fut le tour de travailleurs et militants syndicaux et politiques de la capitale et, plus récemment, de lycéens mobilisés dans plusieurs villes, telles que Sfax, Sidi Bouzid, Tunis, Bizerte, par l'intermédiaire des réseaux sociaux. Les avocats ont décidé, après leur participation à la manifestation de Tunis, où certains avaient subi arrestations et violences, d'appeler à une journée de grève le 6 janvier.

Partout s'exprime un ras-le-bol du chômage, de la vie chère, et les manifestants s'en prennent de plus en plus clairement à la politique sociale et économique du président Ben Ali, à l'écrasement des libertés élémentaires et à la corruption dans laquelle baignent allégrement les couches de privilégiés proches du pouvoir et l'administration.

Cette corruption a même été décrite par l'ambassadeur des États-Unis à Tunis dans un rapport interne, détourné par WikiLeaks, où il passe en revue les frasques de l'entourage du dictateur. Reçu dans la résidence du gendre de Ben Ali, l'ambassadeur aurait été saisi par l'étalage de luxe, comme la présence décorative d'un tigre en cage. Il signale également la mainmise des proches du pouvoir sur une partie importante de l'économie, dans l'immobilier, le foncier, la finance publique...

Népotisme et enrichissement des privilégiés sont le pendant de la pauvreté de la majorité de la population de ce pays de dix millions d'habitants. Le taux de chômage s'élève officiellement à 15,7 % de la population active, et encore seuls existent des emplois peu qualifiés, dans le textile par exemple, laissant sans débouché les jeunes titulaires d'un diplôme universitaire : en 2009, 55 % d'entre eux étaient au chômage. Fortement dépendante des exportations vers l'Europe, l'activité économique du pays pâtit forcément, depuis trois ans, de la crise économique : le tourisme s'adressant aux revenus de moyens à faibles a chuté, quant au secteur textile, il subit la concurrence de pays où les ouvriers sont encore moins payés.

La croissance économique annuelle, en baisse depuis quelques années, a été à peine positive en 2009 et les habitants des régions du centre se sentent encore plus abandonnés que ceux des régions côtières. Mais les migrations intérieures ou vers l'Europe ne constituent que des solutions désespérées, et les révoltes, comme celle du bassin minier de Gafsa il y a deux ans, ne peuvent que se multiplier.

À sa réponse habituelle par la répression, l'emprisonnement, la torture, le pouvoir ajoute à présent - signe vraisemblablement de son inquiétude - des limogeages en série dans la haute administration et le gouvernement. Des gouverneurs ont ainsi été renvoyés, dont celui de Sidi Bouzid, ainsi que quatre ministres, dont celui de la communication, fidèle des fidèles paraît-il. Ben Ali lui-même a pris la parole à la télévision, annonçant que des fonds seraient débloqués pour les régions défavorisées. Il y a peu de chances que cela trompe la population en colère. Lors d'une manifestation récente à Tunis, une pancarte proclamait : « Dorénavant, on n'a plus peur ».

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