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Île de la Réunion - Épidémie de chikungunya : Les responsabilites de l'État
Depuis bientôt un an une maladie ronge la Réunion, le chikungunya. Cette maladie, aujourd'hui véritable épidémie, est transmise par un moustique, l'Aedes.
Elle provoque chez les personnes atteintes une forte fièvre, des démangeaisons et des douleurs musculaires et articulaires intenses. Certains malades se retrouvent dans l'incapacité de se déplacer sans l'aide d'une tierce personne. Les symptômes peuvent disparaître au bout de quelques jours mais parfois les douleurs durent bien plus longtemps.
Si les chiffres de la préfecture font actuellement état de 10500 personnes atteintes par le virus du chikungunya, ceux fournis par l'ordre des médecins sont largement supérieurs, au bas mot quatre fois plus importants. Plusieurs décès sont maintenant attribués à la maladie. L'épidémie est devenue telle que l'établissement français du sang a suspendu tout prélèvement sur l'île de la Réunion.
Aujourd'hui les autorités préfectorales disent vouloir prendre la mesure du problème et parlent même de faire intervenir l'armée dans des opérations de démoustication, mais le moins que l'on puisse dire est qu'elles ont beaucoup tardé.
Pourtant, dès les premiers mois de l'épidémie, une députée et une sénatrice du Parti Communiste Réunionnais (PCR) avaient à maintes reprises interpellé les autorités locales ainsi que le gouvernement sur ce problème de santé publique. Elles n'ont eu aucune réponse satisfaisante de la part du gouvernement, seulement des attitudes méprisantes de ceux qui estimaient qu'elles n'avaient pas les compétences requises pour parler du problème et que le chiffre des 30000 malades qu'elles avançaient était faux, étant donné que les responsables de la Direction des affaires sanitaires et sociales, la DRASS, n'en dénombraient que 4 500.
Tout au long de l'année 2005, l'État a ainsi fait la sourde oreille. La seule fois où le préfet est intervenu, c'était pour dire, condescendant, qu'il ne pouvait rien contre le virus mais qu'il comprenait la souffrance des malades. Seulement, cette incompétence affichée masquait d'autres problèmes, comme la faiblesse des moyens mis en oeuvre dans l'éradication de l'épidémie. La DRASS disposait auparavant d'un important service de prophylaxie qui avait d'ailleurs contribué à l'éradication du paludisme à la Réunion. Or, l'État a supprimé 120 postes dans ce service entre 1985 et 2005. Aujourd'hui il ne reste que 40 agents pour toute l'île, ce qui est bien insuffisant pour lutter contre le moustique vecteur du chikungunya.
Non seulement les services de l'État ne se sont pas pressés pour bien informer la population sur l'origine et les conséquences de cette maladie, mais surtout ils n'ont presque rien fait pour lutter contre sa propagation. Ils auraient pu par exemple distribuer aux habitants les produits antimoustiques comme l'a fait le maire PCR de la ville du Port, eh bien non! Et même la baisse des taxes à l'importation sur les produits susceptibles d'aider à l'éradication a été refusée.
Les autorités ont au contraire tenté de culpabiliser la population en l'accusant de maintenir des sites larvaires à travers des points d'eaux stagnantes ou par la présence de déchets dans les cours. Bien sûr, la contribution de la population est nécessaire pour lutter contre l'épidémie, mais cela ne doit pas dédouaner l'État de ses responsabilités.
C'est seulement ce mois-ci que le gouvernement a promis de débloquer une enveloppe, bien faible, de 600000 euros afin de mener des actions de sensibilisation, d'information et de démoustication.
Si le préfet a réagi ainsi, ce n'est pas par compassion, mais parce que la population avait de plus en plus le sentiment que l'on se moquait de sa santé et qu'on lui cachait la vérité. De plus en plus de médecins affirmaient d'ailleurs que les chiffres de la préfecture étaient faux et très loin de la réalité. Trente- deux médecins de Saint-Louis, une commune de 50000 habitants, ont déclaré par exemple que, sur leur seule ville, ils ont enregistré plus de 7000 cas de personnes contaminées par le virus.
Ce virus qui frappe la Réunion n'est pas inconnu des autorités sanitaires. Répertorié au début des années cinquante, il touche l'Afrique de l'Est depuis de nombreuses années. Il n'existe certes pas de médicaments contre cette maladie, peut-être simplement parce que la mise au point d'un antiviral ne serait pas suffisamment rentable. Restent alors les actions de prévention. Mais là c'est l'État et ses économies qui sont responsables. Concernant la contamination par le chikungunya, le moustique n'est donc pas seul en cause. Il semble fortement aidé par le ministère.