Chirac et la dissuasion nucléaire : Son petit bouton rouge le démange25/01/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/01/une1956.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Chirac et la dissuasion nucléaire : Son petit bouton rouge le démange

Pour ceux qui s'interrogent sur l'intérêt de la visite de Chirac à la base de la Force océanique stratégique, le mercredi 18 janvier, on a au moins une réponse: faire parler de lui. Le chef de l'État -et de ce fait, rappelons-le, chef des armées- a profité de l'occasion pour jouer les stratèges, en prononçant un discours censé redéfinir la doctrine nucléaire française.

Disparu l'épouvantail "soviétique", en effet, qui donc reste-t-il comme cible pour les missiles nucléaires français? Avec plus de trois milliards d'euros investis par an, rien que pour le nucléaire militaire, mieux vaut se trouver des ennemis afin de justifier la dépense. Fort heureusement, on en a trouvé. Qu'il se le tiennent pour dit, ceux "qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous, tout comme ceux qui envisageraient d'utiliser, d'une manière ou d'une autre, des armes de destruction massive. Ils doivent comprendre qu'ils s'exposeraient à une réponse ferme et adaptée de notre part. Cette riposte pourra être conventionnelle, mais aussi d'une autre nature."

"D'une autre nature"... Ce que Chirac veut dire, sans le dire mais tout en le disant, c'est qu'il n'hésitera pas à utiliser l'arme nucléaire... en particulier contre les pays qui chercheraient à s'en doter. Ou contre ceux qui menaceraient "la garantie de nos approvisionnements stratégiques", ou bien "la défense de pays alliés". Tout cela finit par faire beaucoup de cibles potentielles. Quant au fait que les victimes de ces éventuels tirs nucléaires français seraient par définition essentiellement des civils, cela n'a pas l'air de troubler outre mesure notre grand humaniste de président.

Chirac s'est dit opposé, à la différence des États-Unis, à l'emploi des moyens nucléaires "à des fins militaires, lors d'un conflit". Mais il a ajouté que cela "ne doit pas laisser planer le doute sur notre volonté et notre capacité à mettre en oeuvre nos armes nucléaires". Voilà qui sonne clair et franc comme un coup de clairon: l'État français n'utilisera pas les armes nucléaires, sauf en cas de besoin. Rompez!

Depuis les années cinquante, la France, impérialisme de seconde zone, fait de son mieux pour exister dans l'ombre des tout-puissants États-Unis. C'est à cette fin que de Gaulle avait voulu doter l'armée française d'une bombe qui, si elle ne pouvait guère avoir d'effet dissuasif sur les deux superpuissances d'alors, permettait tout de même à la France de "rouler des mécaniques" dans les contre-allées de l'ONU, tout en offrant aux trusts de l'armement la possibilité de confortables bénéfices. Avec son discours, Chirac a voulu s'affirmer dans cette continuité gaullienne, même si elle n'impressionne plus personne.

Ainsi les chefs d'État des pays impérialistes, tandis qu'ils se répandent en choeur sur le droit international, la coopération, la paix et la démocratie, gardent-ils en permanence le doigt sur la gâchette d'un arsenal meurtrier...

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