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États-Unis : Ford en guerre ouverte contre les travailleurs
Après Delphi, l'ancienne filiale de General Motors, après General Motors, c'est au tour de Ford de confirmer son intention de supprimer le tiers de ses effectifs, 25 à 30000 emplois, et de fermer 14 de ses usines aux États-Unis. En quelques mois, ce sont près de 90000 suppressions d'emplois que les grands de l'automobile américaine ont programmées dans le pays pour les quelques années à venir.
Il s'agit d'une véritable déclaration de guerre contre la classe ouvrière américaine.
Comme Delphi, comme General Motors, Ford a commencé par demander le mois dernier de gros sacrifices aux salariés et aux retraités. Le syndicat de l'automobile, l'UAW, a accepté de renégocier le contrat en cours sans attendre son expiration en 2007, pour permettre à Ford d'économiser des milliards de dollars sur le dos des travailleurs et des retraités.
Ford s'est dégagé de son obligation d'assurer la couverture médicale de ses salariés retraités. À la place, il a créé un nouveau fonds qu'il ne s'engage à alimenter que dans la limite de 18 millions de dollars par an, ce qui est ridiculement insuffisant puisque cela ne représente que 207 dollars par travailleur. Par contre il impose à chacun d'entre eux de verser à ce fonds dix fois plus, près de 2444 dollars chaque année! Quant aux retraités, ils n'ont plus la même couverture médicale et si le fonds se trouve épuisé, comme cela est arrivé dans d'autres entreprises qui avaient adopté ce système, les retraités se trouvent démunis et sans recours contre le patron, qui est dégagé de toute obligation. Ce sont là les dispositions les plus scandaleuses du nouveau contrat, mais Ford en a profité aussi pour rogner encore sur les salaires et les prestations sociales dues aux travailleurs. Et cela n'a pas bien sûr permis de sauver les emplois.
L'avidité du grand patronat est sans limite. Car c'est pour faire encore et toujours plus de profits que Ford, comme les autres grands patrons, se livre à cette attaque en règle contre les travailleurs et les retraités. Le trust prétend être en difficultés financières, mais ce sont évidemment des mensonges. Son bilan pour 2005 fait état de 2 milliards de dollars de profits nets, et cela sans compter près d'un milliard de dollars que Ford a provisionné pour les suppressions d'emplois à venir, un de ses tours de passe-passe parmi bien d'autres. Ford se félicite même d'être bénéficiaire pour la troisième année consécutive.
Mais Ford se plaint de bénéfices en baisse cette année par rapport à l'an dernier, de perte de parts de marché aux États-Unis et du fait que, pour la première fois depuis 2001, l'entreprise aurait perdu de l'argent sur le marché américain. Cela serait à vérifier de près car, pendant que la branche automobile fait de prétendues pertes, la branche financière fait, elle, des profits. En fait, le choix de se spécialiser dans un créneau haut de gamme, de grosses voitures dites de sport, type 4x4, a entraîné une perte de parts de marché attendue, mais permettait de gagner plus en vendant moins. Aujourd'hui la mode est en train de passer et Ford, comme les autres entreprises automobiles, se prépare à lancer de nouveaux modèles. C'est dire que Ford, tout comme General Motors, est bien loin d'être dans le rouge. Il possède des dizaines de milliards de réserves et les prétendues pertes sur le marché américain ont été compensées par des profits en augmentation dans le reste du monde: en Amérique du Sud les profits de Ford ont été multipliés par 2,5, ils ont augmenté de 20% en Europe, de 30% en Afrique-Asie et la filiale japonaise de Ford, Mazda, a rapporté en 2005 plus du double de 2004. Pas de quoi pleurer.
En fait, de l'argent il y en a, et beaucoup. Et les travailleurs sont de plus en plus méfiants envers la politique de l'UAW, qui prêche la soumission aux diktats de la direction. Il y a tout lieu de penser que les travailleurs de Ford ne sont pas consentants aux sacrifices qu'on leur impose, bien que les dirigeants syndicaux aient annoncé que le vote sur le nouveau contrat, qu'ils ont organisé dans la précipitation avant Noël, a donné 51% pour et 49% contre. De nombreux travailleurs et militants syndicaux pensent que le vote a été truqué par les dirigeants syndicaux, qui ont d'ailleurs dû reconnaître que le contrat avait été rejeté dans 16 usines, et parfois avec 90% de votes contre.
Alors, il n'est pas dit que la direction pourra aller au bout de ses attaques contre les travailleurs, car le mécontentement grandit contre ces grandes entreprises qui font de gros profits et ont le cynisme d'imposer toujours plus de sacrifices aux travailleurs et de licencier en masse pour gonfler encore leurs profits. Les contrats que les patrons n'hésitent plus à remettre en cause à leur convenance pourraient bien être rompus à leur tour par les travailleurs, qui ont les moyens de faire remballer toutes leurs exigences à ces grands patrons.