Dockers : La légitime défense condamnée25/01/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/01/une1956.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Dockers : La légitime défense condamnée

Treize condamnations allant jusqu'à quatre mois de prison ferme: tels sont les résultats du jugement en comparution immédiate pour "dégradations, violences et rébellion à agent" qui a suivi la manifestation de milliers de dockers le 16 janvier à Strasbourg.

Cette manifestation s'était terminée par des heurts avec la police, celle-ci entendant empêcher les dockers de venir crier leur colère trop près des députés européens, qui discutaient d'une loi libéralisant le trafic portuaire. Plusieurs vitres du Parlement avaient volé en éclats, mais surtout les principaux ports d'Europe étaient paralysés par la grève.

À l'image de ce qui s'est déjà pratiqué dans d'autres secteurs, ce projet soumis au Parlement européen consistait à déréglementer "l'accès aux services portuaires", en particulier en affirmant un principe "d'auto-assistance": les armateurs n'auraient plus été tenus de confier à des dockers qualifiés les tâches de chargement et de déchargement des navires, et auraient pu pour cela faire appel à leurs propres équipages. C'est-à-dire qu'ils auraient ainsi pu mettre directement en concurrence une main-d'oeuvre sous-payée et pas nécessairement qualifiée pour ce genre de tâche, amenée depuis les pays pauvres, avec les dockers des ports européens.

Les députés ont finalement rejeté le projet, mais cela risque de n'être que partie remise, car ils ont tenu à affirmer leur volonté d'y revenir un jour ou l'autre. La réaction des dockers, organisée à l'échelle de l'Europe, n'est sans aucun doute pas étrangère à la prudence qui a gagné le Parlement européen. Et pour les travailleurs, cette journée d'action qui couronnait une mobilisation de plusieurs semaines, et son issue, ont été un succès.

Les condamnations sont lourdes. Le juge qui les a prononcées a stigmatisé "la violence aggravée de prévenus qui ont profité de l'anonymat procuré par la manifestation". Mais la violence quotidienne exercée contre le monde du travail dans l'anonymat que procurent les conseils d'administration ou les coulisses de l'appareil d'État, et contre laquelle les dockers ne faisaient qu'exercer une légitime défense, celle-là ne se trouve jamais jugée par les tribunaux. Les dockers n'ont fait, après tout, que se rendre, un tout petit peu, justice. Et pas à huis clos mais au grand jour, prenant l'opinion à témoin.

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