Villepin veut solder le droit du travail,la riposte doit être à la hauteur25/01/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/01/une1956.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Villepin veut solder le droit du travail,la riposte doit être à la hauteur

En le plaçant au 31 janvier, le gouvernement vient d'annoncer qu'il avançait de 15 jours le débat parlementaire sur le projet de loi mettant en place le "contrat première embauche", le CPE. Villepin craint un mouvement de l'ampleur de celui qui avait fait remballer à Balladur en 94 son projet de CIP, dit "smic jeunes". Il espère donc profiter de la période des vacances scolaires pour faire passer à moindre frais son sale coup et tente de prendre de vitesse l'organisation d'une riposte dans les jours qui viennent.

Semaine après semaine, Villepin poursuit inlassablement ses attaques systématiques contre les travailleurs. La création des CPE n'est que le dernier épisode en date. Il s'agit de l'extension des CNE ou "Contrats Nouvelle Embauche" créés cet été et qui permettent au patron de licencier quand il veut, sans préavis et sans motif, pendant la période de deux ans suivant la signature du contrat. Les CNE d'abord limités aux entreprises de moins de 10salariés, avaient finalement été étendus à celle de moins de 20salariés. Les CPE étendent encore ce droit absolu de licenciement pendant deux ans à l'ensemble des entreprises, le limitant (mais pour combien de temps?) aux salariés de moins de 26 ans.

Cette nouvelle mesure s'inscrit dans l'offensive tous azimuts que mènent conjointement patrons et gouvernement. À la Cour de cassation, on autorise les licenciements économiques pour les entreprises en bonne santé qui invoquent des difficultés "prévisionnelles". Dans l'Éducation nationale, on impose des heures supplémentaires aux profs pour remplacer les absents. Chez Disney, Bosch, Hewlett Packard, Fenwick on veut imposer la semaine de 39 ou 40 heures, sans augmentation de salaire. Quant aux mesures gouvernementales contre les travailleurs, les chômeurs et les jeunes, la liste ne cesse de s'allonger: de l'apprentissage à 14 ans à l'autorisation de cumuler un emploi avec des missions d'intérim, et à la nouvelle mouture des "chèques emplois services" offrant des petits boulots chez les riches en échange de substantiels cadeaux fiscaux pour ces derniers.

Davantage que l'ampleur de l'offensive, ce qui est frappant c'est la disproportion entre celle-ci et la faiblesse de la réaction des organisations se réclamant de la défense des intérêts des travailleurs. Depuis des mois que s'accumulent les mauvais coups, cette réaction s'est limitée pour l'essentiel à une journée d'action interprofessionnelle le 4 octobre, un relatif succès mais laissé sans suite. Et lorsque des conflits locaux ont éclaté, parfois longs et spectaculaires comme la lutte des marins de la SNCM ou celle des traminots marseillais, la stratégie syndicale a consisté à ne surtout pas chercher à les étendre, mais à les laisser s'isoler et à les conduire, malgré la combativité des travailleurs, à la défaite.

Toutes les confédérations syndicales ont bien sûr déclaré dès le début leur hostilité au projet. Mais sur le terrain, la CGT en restait jusque-là à sa "journée de mobilisation" du 31janvier, une journée sans appel à la grève, plus pour le communiqué que pour en faire un véritable tremplin pour la suite. Et les autres syndicats, à l'appel deux jours plus tard le 2 février, à une journée d'action pour la défense des salaires, uniquement dans la fonction publique. Toujours donc la stratégie des journées par secteur, isolées et sans suite annoncée, avec comme objectif de nouvelles négociations. Quant à la gauche, elle se préparait... à s'engager dans une "bataille parlementaire", perdue d'avance.

Les organisations de jeunesse du PC et du PS, avec le syndicat étudiant UNEF et d'autres, ayant alors formé un "collectif" contre le CPE, appelant à une semaine de mobilisation à partir du 30 janvier, (avec peut-être une manifestation), les confédérations syndicales ont déclaré soutenir son initiative. Après une rencontre du "collectif" avec les syndicats, une manifestation est ainsi organisée pour le 7 février. François Hollande en appelle maintenant à "une forte mobilisation". Alors que Villepin avait montré son inquiétude en avançant le débat parlementaire, le Parti socialiste ne pouvait faire à moins.

Jusqu'ici pas plus la gauche que les confédérations syndicales n'ont montré de volonté de faire remballer ses projets à Villepin au moyen de la rue et de la grève générale. Leur perspective était celle des élections de 2007 pour le retour de la gauche au gouvernement... avec promesse d'annuler ensuite certaines des mesures prises par la droite, aujourd'hui le CPE par exemple. Comme si cette gauche n'avait pas durant les 25 dernières années, de Mitterrand à Jospin, fait la démonstration au gouvernement de la façon dont elle tenait ses promesses, et de sa volonté d'y mener aussi une politique en faveur du patronat. Aurait-elle changé et syndicats et partis de gauche seraient-ils maintenant décidés à s'engager dans le combat contre le CPE? Sans doute vaut-il mieux compter pour cela sur la pression de la base, en particulier de la jeunesse... que sur la bonne volonté des leaders.

Et pourtant en dehors d'une riposte d'ensemble des travailleurs, avec d'importantes manifestations de rue et la perspective d'une grève générale, il est certain que rien n'obligera le gouvernement et le patronat à reculer. Les possibilités d'une telle mobilisation existent, d'autant que les objectifs sont communs à tous les travailleurs et futurs travailleurs: interdiction totale des licenciements, hausses généralisées de salaires d'au moins 300euros par mois pour tous, embauche en CDI de tous les salariés précaires, non seulement les CNE/CPE, mais aussi les CDD, intérimaires, vacataires, etc.

Un tel mouvement ne se décrète pas, en revanche il doit se préparer. Pour cela les jeunes et les travailleurs doivent répondre le plus nombreux possible à toutes les initiatives proposées et bien entendu le 7février. Mais les militants et les travailleurs les plus conscients ne doivent pas se limiter à suivre. Ils doivent tout faire pour transformer les protestations en ce que les confédérations et les partis de gauche ont soigneusement évité d'en faire jusqu'ici: des jalons pour la construction d'une véritable lutte d'ensemble.

Yves LEFORT

Convergences Révolutionnaires n° 43 (janvier-février 2006)

Bimestriel publié par la Fraction

Dossier: La crise permanente du logement.

Articles: Une année sans élections... - Le mythe de la "police de proximité" - SNCM, RTM, SNCF: les grèves torpillées de 2005 - Bosch, Fenwick: l'allongement du temps de travail - Des CCP à la banque postale: la privatisation en marche - Belgique: attaque contre les préretraites - États-Unis: Une nouvelle centrale syndicale - Iran, Irak: le mouvement ouvrier et communiste sous le feu.

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Sur le Net: http://www.convergencesrevolutionnaires.org

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