Le patronat en veut toujours plus : Villepin s'emploie à le satisfaire25/01/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/01/une1956.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Le patronat en veut toujours plus : Villepin s'emploie à le satisfaire

Le Medef réclamait que le "contrat nouvelle embauche" s'applique aussi aux entreprises de plus de vingt salariés, et il a eu satisfaction. Villepin en a changé le nom: il s'appellera, pour ces entreprises, "contrat premier emploi". Mais c'est pour l'essentiel la même chose: pendant deux ans, le patron pourra licencier le nouvel embauché sans même avoir à fournir le moindre motif. Tout cela annoncé avec un discours de jésuite, en prétendant qu'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée et en qualifiant de "période de consolidation" cette scandaleuse période d'essai, qui permettra au patron de renouveler sans frais sa main-d'oeuvre jeune tous les deux ans, tout en étant dispensé de payer les charges sociales. Et tant pis si cela accentue encore le déficit des caisses de Sécurité sociale!

De la même manière, et toujours aux dépens de la Sécurité sociale, Villepin se propose d'alléger les charges sur les heures supplémentaires, en affirmant hypocritement que ce serait pour "permettre aux salariés de renforcer leur pouvoir d'achat en travaillant plus, s'ils le souhaitent".

Et il n'y a pas de raison pour que Villepin s'arrête là. Car si le Medef est satisfait des mesures annoncées, il trouve que le gouvernement ne va pas assez vite, ni assez loin. À l'occasion de sa récente assemblée générale, la présidente de l'organisation patronale, Parisot, vient de dénoncer ce qu'elle appelle le "fatras" du code du Travail, c'est-à-dire tout ce qui va à l'encontre de la possibilité pour les patrons de licencier qui ils veulent, quand ils veulent et comme ils veulent, et de réclamer que soit "mise en question la durée légale du travail".

C'est bien cela que Villepin prépare, en se prononçant pour une "réflexion (...) sur l'évolution générale des contrats de travail dans notre pays", et en déclarant qu'en ce qui concerne la législation sur les "ruptures de contrat de travail" -c'est-à-dire sur les licenciements- "la situation actuelle n'est pas satisfaisante". Il y aurait d'après lui "trop de contentieux"- autrement dit de travailleurs contestant leur licenciement en justice.

Sous prétexte de "modernisation" du code du Travail, c'est une étape de plus dans la régression sociale, pour la plus grande satisfaction du patronat, que le gouvernement prépare.

Mais si le patronat en demande toujours plus, Villepin préfère avancer pas à pas, parce qu'il craint les réactions que sa politique pourrait susciter.

Ce ne sont évidemment pas les protestations des confédérations syndicales qui l'incitent à la prudence. Car il ne s'agit que de réprobation verbale ou, pour celles qui veulent apparaître comme plus déterminées, que de journées sans lendemain, ou de mouvements catégoriels soigneusement dispersés. Bien évidemment, à chacune de ces initiatives, les travailleurs ont intérêt à répondre présents, car c'est malgré tout un moyen de montrer leur mécontentement comme de faire pression sur les organisations syndicales. Le plus mauvais choix serait de donner des prétextes aux directions confédérales pour persévérer dans la même attitude, et de laisser le gouvernement et le patronat croire qu'ils peuvent tout se permettre sans risque.

Ce qui inquiète Villepin, ce ne sont pas les timides protestations de Chérèque, ni celles à peine moins timorées de Bernard Thibault. Ils se veulent l'un comme l'autre des syndicalistes "de concertation", dont l'objectif n'est pas de mettre un terme à l'offensive menée contre les travailleurs, à travers la prétendue "réforme" de la Sécurité sociale, des retraites, et maintenant du code du Travail, mais d'être admis à en négocier les modalités. Ce qui inquiète Villepin, ce sont les réactions possibles du monde du travail.

Eh bien, il faut le conforter dans cette idée que les travailleurs pourraient bien le contraindre, lui ou son successeur, à revenir sur toutes les mesures prises à leur détriment depuis des années. La colère n'est pas toujours une mauvaise conseillère, ni pour ceux qui l'éprouvent... ni pour ceux qui en sont l'objet.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 23 janvier

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