Procès des HLM de Paris : Les comparses dans le box25/01/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/01/une1956.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Procès des HLM de Paris : Les comparses dans le box

Lundi 23 janvier s'est ouvert le procès de l'affaire des HLM de la Ville de Paris. 49 prévenus s'entassent dans le box, représentant les entreprises du bâtiment qui ont versé quelque 50millions de francs (7,6 millions d'euros) de pots-de-vin destinés au financement du RPR, et des représentants de l'office de HLM de Paris, le bien nommé OPAC. Mais aucune des personnalités politiques mises en cause n'était sur le banc des prévenus.

L'instruction, commencée en 1994, en pleine guerre fratricide entre Chirac et Balladur pour la présidentielle de 1995, avait été riche en rebondissements. Un an avant, en 1993, avait eu lieu la dernière élection législative autorisant les entreprises à soutenir officiellement les candidats. Et pour une unique fois, ces financements furent publiés au Journal officiel. On put ainsi voir que les grandes entreprises du bâtiment, Bouygues, Vivendi, Suez, etc. étaient de généreuses donatrices, n'hésitant pas à verser à tous les candidats des grands partis. Mais ces financements avaient commencé de façon occulte, bien avant qu'existe une loi sur le financement légal des partis politiques.

En 1994, le juge Halphen mettait à jour une vaste opération de racket des entreprises souhaitant obtenir des marchés publics de l'OPAC de Paris. Il mit en examen le président et l'ex-directeur de l'OPAC, Jean Tiberi et Georges Pérol (ce dernier fait partie des 49accusés). Des paradis fiscaux permettaient de blanchir l'argent des fausses factures qui était ensuite rapatrié en liquide sur Paris.

Le juge avait des indices, mais peu de preuves, et d'autant plus de mal à les réunir que, par exemple, la police refusa en 1996 d'exécuter ses ordres et de perquisitionner chez Tiberi, successeur de Chirac à la mairie de Paris. À cette occasion, Halphen découvrit le rapport sur la francophonie, payé à prix d'or à Xavière Tiberi par le conseil général de l'Essonne. On vit alors le ministre de la Justice, Toubon, tenter de récupérer un procureur en vacances dans l'Himalaya pour qu'il vienne sauver la mise de la femme du maire de Paris.

En 2001 apparaissait la cassette vidéo où feu Jean-Claude Méry, faux facturier du RPR décédé en 1999, évoquait un rendez-vous où il avait remis 5millions de francs à Roussin, en présence de Chirac, alors Premier ministre de Mitterrand. Interrogé par les médias, Chirac taxa ce témoignage d'"abracadabrantesque".

Halphen tenta de convoquer Chirac comme simple témoin, puisque si le Conseil constitutionnel avait décrété en janvier 1999, qu'un président en exercice ne peut être poursuivi, cela n'interdisait pas qu'il se présente comme "simple témoin". Mais Chirac refusa de se rendre à la convocation et Halphen se retrouva dans l'impasse.

Il restait encore la possibilité théorique de poursuivre Chirac devant une Haute Cour. Le député du PS Arnaud Montebourg fit parler de lui en essayant de réunir 58 signatures de députés pour provoquer le vote de l'assemblée. Il n'y réussit pas, faute du soutien du PS venu à son tour au secours de Chirac. De toute façon, les juges qui auraient pu constituer cette Haute Cour firent savoir dans la presse qu'ils soutenaient le président.

Pour le reste, le parquet de Créteil veilla au gain. En 2001, toute la partie de l'instruction mettant en cause Chirac fut stoppée pour "vice de forme" et Halphen fut dessaisi du dossier. Au bout du compte, les politiques mis en cause, Roussin ou Tibéri, bénéficièrent d'un "non-lieu". Quant à Chirac, aux dernières nouvelles, il est toujours président de la République.

Et voilà pourquoi, on ne retrouve dans le box que des comparses qui agissaient pour le compte de plus puissants.

Mais, même sans preuve juridique, il reste un fait évident: pendant des années -depuis toujours? - les grandes entreprises ont financé les partis politiques avec d'autant moins de gêne que ces partis défendaient leurs intérêts de possédants. Et les pots-de-vin étaient facturés d'une façon ou d'une autre au... contribuable.

Mais, miracle de la démocratie, les politiciens ou les PDG des grandes entreprises, un court moment mis en cause, sont retournés à leurs occupations. Le tourbillon des affaires levé dans les années quatre-vingt-dix est retombé dans une impunité quasi générale. Car c'est bien connu, pour les affaires, dans tous les sens du terme, rien ne vaut le plus grand secret!

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