Amiante dans une usine désaffectée à Aulnay (93) : Les patrons coupables courent toujours25/01/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/01/une1956.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Amiante dans une usine désaffectée à Aulnay (93) : Les patrons coupables courent toujours

À Aulnay-sous-bois, en Seine-Saint-Denis, le collectif des riverains et victimes du CMMP, le Comptoir des minéraux et matières premières, appelait à manifester samedi 21 janvier contre la présence de cette usine laissée à l'abandon qui a broyé de l'amiante jusqu'en 1975.

Avec d'autres associations dont l'ADDEVA 93, l'Association départementale de défense des victimes de l'Amiante, Ban Abestos France (Interdire l'amiante), Aulnay Environnement ou encore l'Association des Parents d'élèves de l'école maternelle située à proximité des bâtiments contaminés, ce collectif se bat depuis des années pour obtenir un "désamiantage-déconstruction sous bulle" par le responsable, à savoir le patron du CMMP.

L'usine est certes fermée depuis 1991, mais les bâtiments sont toujours là, sans qu'il y ait eu pour l'instant le moindre désamiantage, et ce malgré la présence d'une école maternelle et de pavillons d'habitations à proximité. Le collectif des riverains a recensé d'ores et déjà une cinquantaine de personnes contaminées dans le passé dont trente-deux vivaient dans un environnement proche et seize autres avaient travaillé dans l'usine. La moitié d'entre elles est décédée aujourd'hui.

Mais il existe certainement bien d'autres victimes, car l'usine a employé durant des années des travailleurs immigrés qui sont depuis retournés dans leur pays.

Lorsque la première victime Pierre Léonard est décédée en 1996 à 49 ans d'un mésothéliome, un cancer de la plèvre dû à l'amiante, sa famille voulut comprendre ce qui avait pu se passer puisque Pierre Léonard n'avait jamais travaillé au contact de l'amiante. Les gens du quartier finirent pas se souvenir de cette usine "du bout de la rue" que tout le monde appelait "l'usine amiante". En fait, Pierre Léonard avait été exposé lorsqu'il était élève dans l'école proche de l'usine. Lorsque sa famille commença à mener une enquête pour tenter de prouver la responsabilité du CMMP dans la mort de leur proche, elle buta sur ce mur du silence sur lequel ont buté tous ceux qui ont voulu dénoncer le scandale de l'amiante: la mairie d'alors prétendait que l'usine ne fabriquait que des produits anodins, la préfecture de son côté affirmait que l'usine n'avait traité l'amiante bleu (le plus toxique) qu'avant la guerre. Une pré-enquête fut ouverte en 1997, mais ce n'est qu'en 2000, après cinq ans de démarches, que la famille obtint l'autorisation auprès de la CADA, la Commission d'Accès aux Documents Administratifs, de consulter librement les dossiers et de réunir nombre de photocopies de pièces permettant de reconstituer toute l'affaire.

Les proches des victimes ont ainsi appris que lorsqu'en 1938 le CMMP installa son usine de broyage de minéraux en plein centre-ville, les autorités de l'époque donnèrent leur accord. Pourtant le danger mortel que constitue l'amiante était déjà connu depuis longtemps. Les conditions de travail à l'intérieur de l'usine étaient catastrophiques: l'amiante était jeté dans les trémies et récupéré en farine dans des sacs, et toutes ces opérations étaient manuelles. "À plus de six mètres, on ne se reconnaissait pas entre collègues tant le brouillard de poussière était épais" raconte un ancien ouvrier. Les bâtiments faits de tôle et de briques n'avaient aucune étanchéité, les poussières s'échappaient donc, venant polluer l'école et les habitations voisines. Malgré ces faits et les plaintes répétées émanant des riverains, en 1970 encore le fonctionnement de l'usine était jugé acceptable par les autorités. En 1986, le CMMP commercialisait toujours de l'amiante dans son usine d'Aulnay, vantant ses produits dans l'annuaire de la chimie.

La détermination des habitants finit par pousser la préfecture à prendre un arrêté le 5 août 2004, enjoignant au CMMP, qui, entre temps, avait tenté de se débarrasser du site, de démolir l'usine après l'avoir désamiantée. Mais le polleur ne veut pas payer ce désamiantage estimé à deux millions d'euros et se défend en affirmant que l'amiante ne proviendrait pas de l'ancienne activité industrielle mais du toit en fibro-ciment, et serait donc de la responsabilité de l'acheteur

Les victimes avaient obtenu une mise en examen du CMMP pour "homicides involontaires et blessures involontaires" en avril 2005, qui a été annulée depuis. Ce patron qui est probablement responsable de bien plus de morts que n'a pu en recenser le collectif est, comme tous les patrons qui ont utilisé l'amiante, un assassin... qui court toujours.

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