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Leur société
Valse des ministres à Bercy... C'est toujours le patronat qui mène la danse
Thierry Breton remplace donc Hervé Gaymard au ministère de l'Économie et des Finances. Pour la deuxième fois en moins de trois ans, c'est un grand patron et non un politicien professionnel qui se trouve à la tête de ce ministère, un homme issu de la "société civile", dit-on. Sauf que cette fameuse société civile se recrute dans le même monde, sort des mêmes écoles.
Breton a le profil de l'emploi, spécialiste de l'utilisation des fonds de l'État dans le but de remettre à flot -c'est-à-dire de rentabiliser puis privatiser- des entreprises nationales endettées.
Sa formation, il l'a commencée dans la région Poitou-Charentes, avec Monory et son successeur Raffarin, qui lui ont appris comment utiliser l'argent de la collectivité pour monter une entreprise prospère : le Futuroscope. En 1992 il était à la fois conseiller régional et directeur de ce parc, qui fut vendu au groupe Amaury en 2000, et repris deux ans plus tard par le département de la Vienne, quand ses acquéreurs cessèrent de le trouver rentable.
L'étape suivante, ce fut le "redressement" de Bull, entreprise d'informatique liée à l'État, qui accumulait de grosses pertes. Il résolut (très momentanément) le problème en obtenant un bon coup de main des finances publiques : onze milliards de francs.
Puis ce fut le tour de Thomson Multimédia. L'entreprise, nationale là encore, était très endettée. Le gouvernement de droite semblait hésiter à mettre la main à la poche... C'est à ce moment qu'il fut remplacé par le gouvernement Jospin, qui mit onze milliards de francs sur la table pour que Breton remette l'entreprise sur ses deux rails : profits et privatisation.
Thierry Breton franchit un nouvel échelon dans sa carrière de redresseur d'entreprises, mais surtout de licencieur à grande échelle. On lui confia un gros morceau : France Télécom, une entreprise qui a beaucoup rapporté à l'État en son temps mais que les aléas de la spéculation boursière avaient amenée au bord de la faillite. L'entreprise était endettée à hauteur de près de 70 milliards d'euros. Il faut dire qu'elle avait beaucoup joué au Monopoly mondial qui consistait à racheter ses concurrents à prix d'or, dans la perspective de gagner de nouveaux marchés.
Thierry Breton élabora un plan de réduction draconienne des dépenses, qui reposait entre autres sur une réduction dévastatrice du personnel. 20000 salariés partirent en congé de fin de carrière sur trois ans -sans être remplacés- et des licenciements directs frappèrent lourdement le personnel non fonctionnaire en France (dans la filiale Orange par exemple) et surtout à l'étranger (12500 suppressions d'emplois, soit 20% des effectifs, à TPSA, la filiale polonaise). Quant à la situation financière, l'État fut comme d'habitude mis à contribution : il mit neuf milliards d'euros dans l'opération et donna sa garantie pour de nouveaux emprunts faits aux banques. L'entreprise était alors prête pour être privatisée. Le processus fut largement engagé avec l'entrée d'argent privé dans le capital de l'entreprise. Il suffisait d'autoriser l'État à descendre sa participation en dessous des 50%, ce qui fut fait courant 2004.
Un seul obstacle, nous disait-on, faisait hésiter Breton à accepter le poste de ministre de l'Économie : il est nettement moins rémunérateur que son ancien poste à la tête de France Télécom. Il y touchait près d'un million et demi d'euros par an. En venant à Bercy, il devra se contenter de 12000 euros par mois, ce qui lui fait malgré tout un salaire coquet. D'autant qu'il a vendu, juste avant de prendre officiellement son poste de ministre, les 11000 actions de France Télécom qu'il détenait pour 250000 euros, et qu'un peu plus tôt, il avait fait de même pour ses actions Thomson, pour un montant de 1,226 million d'euros. De quoi voir venir. Mais le plus croustillant dans cette affaire, c'est que ce licencieur professionnel affirme que sa priorité va être la lutte pour l'emploi. Une plaisanterie ministérielle que n'apprécieront certainement pas les chômeurs.