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- Lutte ouvrière n°1909
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La Charte de l'environnement adoptée par le Parlement : Chirac veut montrer qu'il est encore "vert"
En même temps que le Parlement a modifié la Constitution afin de permettre le référendum sur l'Europe, il a adopté une Charte de l'environnement, désormais inscrite dans cette même Constitution. Ce texte court, de dix articles et un préambule, a nécessité deux ans (!) de travail à une commission présidée par le paléontologue Yves Coppens, composée de scientifiques, de représentants d'associations de consommateurs, de protection de l'environnement et d'industriels. Deux ans pour accoucher d'une demi-page, cela suppose bien des compromis, et le résultat est incolore, inodore et sans saveur.
L'article 1er énonce : "Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé". Nul ne trouvera à y redire. Il n'est question que de "vivre", il aurait fallu ajouter "et de travailler". Des millions d'ouvriers, et même d'employés, travaillent dans des environnements industriels parfois désastreux, dans la chimie, le nucléaire, le bâtiment, la métallurgie, etc. Le nombre des maladies professionnelles augmente en France. La Charte "oublie" purement et simplement l'environnement du monde du travail.
L'article 2 précise : "Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement". Ce qui signifie qu'il ne faudrait pas polluer. Espérons que cela pourra servir aux membres des Comités d'hygiène et de sécurité, ainsi qu'aux simples travailleurs, à faire valoir leurs droits dans les entreprises. Malheureusement ce texte n'est visiblement pas fait pour cela.
Article 4 : "Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi". En conséquence Total, par exemple, pourra se contenter, comme aujourd'hui, de contribuer aux réparations de catastrophes comme celles de l'Erika ou d'AZF. On ne lui demandera pas de les prendre en charge. Si la Charte ne prévoit rien pour les ouvriers, elle est en revanche précautionneuse envers les patrons.
Article 6 : "Les politiques publiques" doivent "concilier (...) la protection et la mise en valeur de l'environnement (...) avec le développement économique et social", article qui permettra, si le développement économique ne parvient pas à se concilier avec l'environnement, de sacrifier ce dernier.
L'article 5, le plus long et le plus alambiqué, évoque le principe de précaution, qui a donné lieu, paraît-il, au plus grand nombre de débats. Le résultat c'est que... "Les autorités publiques (...) veillent à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées". Avec ça, braves gens, vous pouvez dormir tranquilles, les autorités publiques veillent !
Pas plus que les Sommets de la Terre, Protocole de Kyoto et autres textes, cette Charte de l'environnement ne changera grand-chose. Les écologistes, les associations de consommateurs ou Nicolas Hulot, la caution Nature de Chirac, déclarent que ce texte, dont ils admettent l'insuffisance, est "mieux que rien". Certes, cela ne peut sans doute pas faire de mal, même si cela ne fait pas grand bien.
Si l'environnement de notre planète est vraiment menacé, et il semble bien qu'il le soit, ce n'est pas avec des textes comme celui-ci qu'il sera sauvé.
Il est même possible que les débats concernant cette Charte aient coûté plus cher en papier, et donc en arbres, que le bénéfice qu'on en peut attendre.