Sociétés d'intérim au service de l'Unedic et de l'ANPE : De l'argent sur le dos des chômeurs03/03/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/03/une1909.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Sociétés d'intérim au service de l'Unedic et de l'ANPE : De l'argent sur le dos des chômeurs

La loi Borloo dite de cohésion sociale, votée en décembre 2004, a officialisé une situation existant de fait depuis longtemps et consistant, pour un certain nombre de margoulins, à faire du business sur le dos des chômeurs. La loi a offert un marché lucratif aux entreprises d'intérim, agences de travail temporaire, qui peuvent désormais passer contrat avec l'ANPE sous prétexte d'aider les chômeurs à retrouver un emploi.

En juillet 2001, avec l'entrée en vigueur du Pare (Plan d'aide au retour à l'emploi) signé d'Elisabeth Guigou, alors ministre socialiste du Travail dans le gouvernement Jospin, les agences d'intérim s'étaient multipliées. En liaison avec les ANPE, des entreprises s'étaient montées et placées, devenant des intermédiaires entre les chômeurs et un éventuel employeur, se proposant de trouver un emploi, mais surtout de réaliser des évaluations de compétences, d'apprendre aux chômeurs à rédiger un curriculum vitae, de leur montrer comment se présenter, comment s'habiller, comment se vendre, etc. Aujourd'hui, l'ANPE reconnaît qu'elle dispose ainsi de 4000 sous-traitants privés, qui seraient des spécialistes du recrutement et du placement, permettant de retrouver plus vite un emploi, ce qui se traduirait par autant d'économisé pour l'Unedic. Selon le vice-président de l'Unedic, "un chômeur représente en moyenne 1500 euros de cotisations en moins chaque année, tandis qu'il touche 22500 euros d'allocations en moyenne". L'assurance chômage compte donc faire pas mal d'économies si les chômeurs retrouvent plus vite un emploi, quel qu'il soit, mal payé, pas à la qualification, d'une courte durée, etc., pourvu qu'ils puissent être rayés des indemnisés. Et pour y réussir, l'Unedic verse des sommes considérables... non aux chômeurs, mais à de véritables marchands d'hommes.

À titre expérimental, l'Unedic avait fait appel en février 2004 à une société australienne, Ingeus, pour trouver un emploi à 6000 chômeurs des régions de Lille et de Rouen. Dès leur prise en charge, l'Unedic a versé 2800 euros par chômeur et 1500 euros en cas d'embauche. Selon la direction de l'Unedic, l'opération devenait rentable "à partir du moment où la durée d'indemnisation est réduite de cinq mois". En Ile-de-France, l'Unedic s'est adressée à une autre entreprise privée, Maatwerk, censée reclasser 150 chômeurs en 2004. Le prix était de 1200 euros par chômeur pris en charge et de 2600 euros pour chaque "reclassement" dans les six mois. En fait de "reclassement", il s'agissait surtout de contrats à durée déterminée et à temps partiel. Relatant cette opération, L'Humanité soulignait le peu d'efficacité de l'entreprise qui, huit mois après les prises en charge, n'avait même pas réussi à trouver un emploi à la moitié des chômeurs.

L'entrée en vigueur de la loi Borloo vient encore faciliter l'activité des agences d'intérim. Aujourd'hui, les tarifs ont même augmenté. L'ANPE verse à la société Maatwerk plus de 4000 euros par personne "accompagnée", tandis qu'Ingeus touchera 2800 euros par prise en charge, plus 300 euros en cas d'embauche, plus 600 euros trois mois après l'embauche, plus encore 600 euros six mois plus tard. Il n'est pas étonnant que dans ces conditions de telles agences se multiplient. Une société d'intérim comme Agecco dispose d'un réseau de 6000 agences et annonce qu'elle va recruter des centaines de consultants pour faire face à la prise en charge des chômeurs que lui enverra l'ANPE. Il ne s'agit que de chômeurs triés sur le volet, susceptibles de permettre à l'entreprise d'intérim de gagner de l'argent (donc d'être reclassés dans un délai raisonnable) et à l'Unedic de faire des économies (donc de n'être pas en fin de droits). Les chômeurs longue durée qui ne sont plus indemnisés, ceux âgés de plus de cinquante ans, ceux qui n'ont aucune expérience professionnelle, ceux qui n'ont pas les moyens d'accepter une mutation dans une autre région, bref tous les travailleurs qui ont des contraintes personnelles ou sociales seront laissés pour compte. Et pendant que quelques-uns s'enrichiront aux dépens de l'Unedic, les queues des chômeurs continueront de s'allonger dans les ANPE.

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