Burkina Faso : un nouveau coup d’État manqué23/09/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/09/2460.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Burkina Faso : un nouveau coup d’État manqué

Au Burkina Faso, les militaires du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) se sont emparés du pouvoir dans la nuit du 16 au 17 septembre pour le remettre à leur ancien chef, Gilbert Diendéré, qui fut le bras droit du dictateur déchu Blaise Compaoré. La réaction de la population contre le putsch a été immédiate. De son côté François Hollande, représentant de l’impérialisme français qui tient le Burkina sous sa coupe, a proclamé son désaveu. Enfin, après plusieurs jours, les chefs de l’armée burkinabée ont marché contre les putschistes.

Le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) constituait la garde rapprochée de Blaise Compaoré, renversé par le soulèvement populaire d’octobre 2014, mais a continué d’imposer sa présence menaçante après la fuite du dictateur. Les nouveaux dirigeants prétendant assurer la transition vers un régime démocratique ont reculé à trois reprises devant sa dissolution, réclamée avec force par les organisations à l’origine du soulèvement contre Compaoré.

Un coup d’État prévisible

Les 1 300 hommes surarmés du RSP faisaient planer depuis des mois la menace d’un coup d’État. Gilbert Diendéré qui fut l’exécuteur des basses œuvres de Compaoré, menait déjà les hommes qui assassinèrent le dirigeant nationaliste radical Thomas Sankara en 1987, permettant à Compaoré d’instaurer sa dictature. Depuis lors, il a trempé dans tous les crimes du régime. Derrière Diendéré se profilait le retour au pouvoir du clan Compaoré. Son premier geste a d’ailleurs été d’annuler l’interdiction faite aux membres de l’ancien parti de Compaoré, le CDP, de participer aux prochaines élections présidentielle et législatives.

La sinistre réputation du RSP ne suffit cependant pas à intimider la population. Dès le lendemain du coup d’État, des manifestations ont eu lieu et ont été durement réprimées. Le RSP a ouvert le feu, tuant plusieurs manifestants. Dans le reste du pays, où le RSP n’a pas pu étendre son emprise, les mouvements de protestation ont pris de l’ampleur, en particulier à Bobo Dioulasso, la deuxième ville du pays. Les villas des personnalités de l’ancien régime ont été brûlées. La grève générale appelée par les syndicats a été massivement suivie. Les travailleurs burkinabés et la jeunesse du pays ne veulent à aucun prix que soit mis fin aux espoirs suscités par le renversement de Compaoré, et ils sont prêts à risquer leur vie pour cela.

La situation des classes pauvres ne s’améliore pas

Le Burkina Faso est un des pays les plus pauvres d’Afrique, et c’est aussi cette misère qui nourrit le sentiment de révolte. La majeure partie de la population est composée de paysans qui doivent cultiver une terre ingrate, à tel point que l’émigration vers la Côte d’Ivoire voisine ou l’Europe est bien souvent la seule solution pour survivre. Les rares ressources du pays, comme ses mines d’or, sont pillées par les trusts impérialistes. La population est étranglée par le prix des produits alimentaires et de l’essence.

Le Collectif contre la vie chère, composé de syndicats et d’associations, a été l’un des principaux artisans du renversement de Compaoré, et il a continué son action après la chute du dictateur. « Les produits de première nécessité (huile, maïs, riz, sucre…) demeurent inaccessibles à la grande masse de la population. La faillite de l’école et de la santé, ainsi que la crise du logement et de l’énergie restent sans solution », constataient ses représentants le 15 septembre dernier. La haine envers les proches du dictateur renversé, leur corruption et leur luxe ostentatoire, en est d’autant plus forte.

Les travailleurs burkinabés ne peuvent compter que sur eux-mêmes

Depuis la chute de Compaoré le gouvernement français pilote une « transition », selon la formule déjà utilisée au Mali et en Centrafrique. Celle-ci devait permettre, à l’issue d’élections prévues initialement le 11 octobre, l’élection d’un président et la mise en place d’un gouvernement estampillé démocratique, avec ou sans anciens amis de Compaoré, mais avant tout complice de l’impérialisme français. Le coup d’État intempestif de Diendéré a troublé ce beau plan, et c’est pourquoi Hollande l’a condamné, même s’il pourrait s’accommoder le cas échéant d’un nouveau dictateur comme il l’a fait de Compaoré pendant vingt-sept ans.

L’Union africaine, elle, a délégué les présidents sénégalais Macky Sall et béninois Boni Yayi. Ils ont accouché d’un protocole d’accord qui demandait certes aux putschistes de se retirer, mais donnait satisfaction à leurs deux principales revendications : l’éligibilité des anciens amis de Compaoré et le maintien du RSP. Ce protocole a été aussitôt hué par la population. Quant aux chefs de l’armée burkinabée, ils ont fini par mettre leurs troupes en marche vers Ouagadougou, afin d’obtenir la reddition des troupes du RSP.

Face au coup de force, la population burkinabée a une nouvelle fois prouvé sa capacité à se mobiliser. Mais la bataille de clans qui fait rage depuis la chute de Compaoré et qui a finalement débouché sur le coup d’État de Diendéré, montre aussi que cette mobilisation est la seule garante contre l’instauration d’une nouvelle dictature. Les chefs militaires qui ont fini par prendre parti contre Diendéré ne valent en effet pas mieux que lui.

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