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Dans le monde
Tunisie : Colère contre les dirigeants
De hauts dirigeants politiques tunisiens se sont aventurés dans la région de Sidi Bouzid, là où, il y deux ans, s'était suicidé par le feu le jeune chômeur et commerçant Mohamed Bouazizi.
Le chef de l'État, Moncef Marzouki, et le président de l'Assemblée constituante, Mustafa Ben Jaafar, ainsi que les représentants des deux partis du centre et centre-gauche qui participent à la coalition gouvernementale, se sont retrouvés, en guise de commémoration, pris à partie par des manifestants. Le Premier ministre et responsable du parti islamiste Ennahda n'était pas du voyage, s'étant, dit-on, déclaré atteint d'une grippe opportune.
Sur la tombe de Mohamed Bouazizi, Marzouki a cru bon de demander aux manifestants d'attendre encore avant que ne soit réglé le chômage, qui depuis des décennies alimente la misère dans les régions du centre. Il a obtenu poings levés et slogans hostiles, « Dégage ! » étant depuis les manifestations qui ont fait tomber Ben Ali le cri de ralliement des manifestants antigouvernement.
Depuis plusieurs semaines, dans ces régions déshéritées, ceux qui espéraient une amélioration de leurs conditions de vie expriment déception et colère : les infrastructures, routes modernes, hôpitaux, sont toujours aussi insuffisantes, le chômage n'a pas régressé, au contraire. À Sidi Bouzid, 12 000 jeunes, dont beaucoup bardés de diplômes, sont sans emploi. À Kasserine, Gafsa, Siliana, 40 % des jeunes en sont également victimes. Entreprises privées et État ont relégué aux oubliettes les promesses d'embauches faites il y a deux ans. Des concours de l'administration ont été organisés, sans que des postes en nombre suffisant soient offerts. Aux jeunes diplômés toujours chômeurs, le ministre de l'Emploi n'a proposé que la cueillette des olives.
Marzouki, bien qu'il dise aux manifestants « comprendre leur colère », a été accueilli en tant que codirigeant d'un pouvoir politique ressenti -- et pour cause -- comme totalement indifférent aux difficultés quotidiennes des couches populaires. Dans l'aggravation de celles-ci, dans l'absence de réponse, depuis deux ans, aux revendications urgentes des travailleurs et des chômeurs, Ennahda et ses alliés du gouvernement doivent assumer de plus en plus leur part de responsabilité.