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- Lutte ouvrière n°2316
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Editorial
Discussion sur la « sécurisation de l'emploi » - pas de potion magique pour les salaires : La lutte
On a appris, il y a huit jours, que Gérard Depardieu avait décidé de s'installer en Belgique pour échapper à l'impôt. Et depuis une semaine on ne parle plus que de cet exil fiscal. Comme de bien entendu, la droite est montée au créneau pour dénoncer le « matraquage fiscal », la « taxation confiscatoire » et la « spoliation » des riches.
Cette polémique est pain béni pour le gouvernement. C'est, pour lui, l'occasion rêvée de redorer son blason de gauche sans que cela ne l'engage à rien. Pour ce gouvernement qui s'est montré si lâche face aux entrepreneurs de l'Internet, dits « les pigeons », et que l'on a vu aux pieds de Mittal, il ne pouvait y avoir de meilleure diversion.
Depardieu n'est pas le plus à plaindre, mais c'est l'arbre qui cache la forêt. À Néchin, il risque même de faire pâle figure aux côtés de ses nouveaux voisins, qui comptent notamment la famille Mulliez, propriétaire des magasins Auchan et Décathlon, à la tête d'un patrimoine de 18 milliards d'euros.
Les artistes ou les footballeurs profitent du système où l'argent coule à flots au sommet de la société et, bien qu'ils gagnent des sommes disproportionnées, on peut encore parler pour eux de « talent ». Mais quel est le talent des Mulliez ? Quel est le talent des Peugeot, qui ont mis leur fortune en Suisse ? Leur seul « talent », c'est l'art de l'exploitation. Plus ils licencient, plus ils surchargent de travail leurs salariés qu'ils payent mal, et plus ils s'enrichissent. Ils font fortune sur les bas salaires et sur le chômage.
Du fait qu'ils ont apporté les capitaux, les actionnaires prélèvent leur part sur la richesse produite par les seuls travailleurs, car ces gens-là ne font rien de leurs dix doigts. Ce ne sont pas les riches qui sont spoliés, mais les travailleurs qui sont volés des richesses qu'ils produisent.
Le vol est à la base même du système capitaliste. Mais le gouvernement n'a rien contre ce vol-là. Car c'est une chose de nous amuser avec l'exil fiscal des artistes, et cela en est une autre de combattre l'exploitation.
Dans ce combat contre l'exploitation, les travailleurs ont non seulement le patronat contre eux, mais ils ont aussi le gouvernement. Le ministre du Travail, Michel Sapin, vient d'annoncer qu'il n'y aura pas de coup de pouce au smic au 1er janvier 2013. Il se justifie en rappelant qu'il y a eu un coup de pouce de 0,6 % en juillet, portant l'augmentation à 2 %. Il fait bien de le rappeler, car ce coup de pouce était tellement dérisoire que tout le monde l'a oublié.
Comme la loi le prévoit, le smic devrait tout de même être réévalué en fonction de l'inflation. Eh bien, même cela ne se fera pas. Alors que l'on nous annonce les hausses des tarifs des transports au 1er janvier, la hausse du gaz, la hausse de la redevance télévisuelle, alors que les tarifs de l'eau, des mutuelles ne font qu'augmenter, alors que les indices des prix alimentaires des grandes surfaces ont augmenté le mois dernier, le gouvernement ose affirmer que l'inflation est en baisse. Ce gouvernement serait prêt à affirmer que la Terre est plate, si cela pouvait servir les patrons !
Le smic sera donc augmenté de l'ordre de trois centimes l'heure, soit quatre euros sur le salaire brut mensuel, autant dire... rien.
Prétendre que le smic est indexé sur l'augmentation des prix est un mensonge. L'inflation mesurée par l'Insee, l'organisme officiel du gouvernement, est en dessous de la réalité. Un exemple : cet indice ne prend en compte le poids du loyer que pour 7 % des dépenses d'un ménage, alors qu'il représente 30 %, 40 %, si ce n'est plus, dans les dépenses de nombreuses familles ouvrières.
Pour que chacun vive dignement aujourd'hui, il faut relever le smic à 1 700 euros net et il faut obtenir qu'il augmente au même rythme que les loyers, que le gaz ou l'électricité, et ce, pour tous les salaires.
Et que l'on ne nous dise pas qu'il n'y a pas d'argent pour cela ! Les PDG du CAC 40 se sont augmentés de 4 % l'année dernière. 4 % d'augmentation sur des salaires qui sont en moyenne de 4 millions par an, cela fait une augmentation de 13 000 euros par mois, bien loin des 4 euros promis aux smicards. Ils ont aussi garanti à leurs actionnaires que, malgré la crise, leurs dividendes augmenteront de 5 % cette année.
Alors, revendiquer une augmentation de tous les salaires est plus que légitime. Les travailleurs ont un droit sur la richesse qu'ils produisent, le droit à un salaire qui permette de vivre et de faire vivre dignement leur famille. Au lieu de partir dans les coffres-forts en Suisse ou en Belgique, les profits produits doivent servir aux emplois et aux salaires.
Éditorial des bulletins d'entreprise du 17 décembre