Un livre sur les médicaments « inutiles » : Et la santé de la population dans tout cela ?26/09/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/09/une2304.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Un livre sur les médicaments « inutiles » : Et la santé de la population dans tout cela ?

Deux médecins, le professeur Philippe Even, pneumologue et ancien doyen de la faculté de médecine de Necker, et le professeur Bernard Debré, ancien chef du service d'urologie de l'hôpital Cochin et député UMP de Paris, viennent de publier un livre au titre provocateur : Le Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux. Ils y affirment que 50 % de ces médicaments seraient inutiles puisque inefficaces, 20 % mal tolérés et 5 % « potentiellement très dangereux », et dénoncent les laboratoires qui les commercialisent.

Qu'il existe des médicaments -- et sans doute beaucoup -- dont on pourrait se passer, des médicaments mal tolérés ou dangereux, ou encore qu'il y ait peu de réelles innovations thérapeutiques, ce n'est sûrement pas faux. Mais d'autres professeurs s'étonnent de trouver dans cette liste les statines, des médicaments anticholestérol utilisés en prévention cardiovasculaire, ou des médicaments anticancéreux, et ils n'hésitent pas à parler d'un travail bâclé.

La dénonciation par Even et Debré de l'influence de l'industrie pharmaceutique fait mouche. En 2009, avec la grippe A, on avait vu comment les laboratoires les plus importants (Roche, Glaxo, Sanofi) avaient réussi à vendre leurs vaccins au prix fort en jouant sur la crainte d'une épidémie annoncée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Finalement, des millions de doses de vaccin inutilisées furent détruites et la note totale présentée par les laboratoires, estimée à 1,3 milliard d'euros, fut payée par les contribuables.

Plus près de nous, le scandale du Mediator des laboratoires Servier a dévoilé les liens plus qu'étroits entre les laboratoires, les « experts » et les agences de contrôle, qui ont permis qu'un médicament coupe-faim interdit depuis des années dans la plupart des pays continue à être vendu en France jusqu'en 2009, faisant de 500 à 2 000 victimes. Dans cette société capitaliste, la production de médicaments obéit, comme le reste, à la seule logique de défense des bénéfices des trusts.

Mais si on peut suivre en partie les dénonciations d'Even et de Debré, les solutions qu'ils préconisent sont bien moins convaincantes. Pour eux, l'objectif est d'abord de réaliser des économies en déremboursant les médicaments inutiles. Mais ce ne serait que continuer la politique menée depuis des années par les gouvernements de droite comme de gauche qui ont déremboursé, partiellement ou complètement, des centaines de médicaments présentés comme inefficaces. Et on a vu les laboratoires continuer à s'engraisser en vendant plus cher en pharmacie des médicaments déremboursés.

Even et Debré reprennent aussi en choeur tous les arguments sur les Français qui consommeraient trop de médicaments, les ordonnances trop longues et les médecins qui prescriraient à la demande. Mais il est particulièrement choquant aujourd'hui de laisser dire qu'on consomme trop ou qu'on se soigne trop, alors qu'avec toutes les mesures prises, des déremboursements aux franchises médicales, beaucoup se soignent moins et consomment moins de médicaments.

La véritable solution, ce serait d'empêcher les laboratoires pharmaceutiques d'avoir les mains quasiment libres pour pratiquer des prix élevés, en particulier pour leurs produits soi-disant nouveaux. C'est ainsi qu'en 2006 les médicaments vendus plus de 15 euros la boîte représentaient 16,5 % des remboursements en volume mais 67,3 % en montant, la palme revenant au Plavix, de Sanofi, avec 400 millions d'euros remboursés. Il faudrait imposer aux laboratoires de vendre moins cher des produits efficaces et bien tolérés, quitte à rogner sur leurs profits mirifiques. Ainsi, en 2011, le numéro un mondial Pfizer a fait près de dix milliards de dollars de bénéfices... Mais la dénonciation des laboratoires pharmaceutiques par Even et Debré ne va pas jusque-là. Et finalement ce n'est pas dans leur livre qu'il faudra chercher les solutions pour lutter contre la toute-puissance des trusts du médicament.

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