Italie : Fiat impose ce qu'il veut et ne s'engage a rien26/09/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/09/une2304.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : Fiat impose ce qu'il veut et ne s'engage a rien

« Fiat investira en Italie, au moment approprié, pour profiter pleinement de la reprise du marché européen »... lorsque celle-ci aura lieu : voilà tout ce qui est sorti de la rencontre, samedi 22 septembre, entre le propriétaire du groupe Fiat et représentant de la famille Agnelli, John Elkann, son PDG Sergio Marchionne, et le gouvernement italien. Et cette réponse, ou plutôt cette fin de non- recevoir à peine polie, a suffi pour que le Premier ministre Monti se déclare satisfait et prêt à répondre favorablement aux demandes des patrons de Fiat.

Et pourtant, quelques jours auparavant, Marchionne avait fait scandale en déclarant que le plan dit « Fabbrica Italia », dont il parle depuis deux ans, n'est désormais plus valable. Selon ce plan brandi en 2010 par Marchionne, Fiat allait investir dans ses usines italiennes pas moins de vingt milliards d'euros... à condition que les syndicats signent, et que les travailleurs acceptent des accords de productivité et de flexibilité assortis de normes antigrève, en dérogation avec les conventions collectives et même avec la loi.

On avait alors vu les principaux dirigeants politiques et la presse inciter les travailleurs à se plier aux conditions patronales et déclarer que toute résistance était preuve d'archaïsme. Et d'expliquer que la mauvaise santé de l'économie italienne était due aux rigidités de lois sociales décourageant les patrons d'investir. Et de dire que, si les ouvriers voulaient du travail, ils devaient comprendre que Fiat n'investirait pas vingt milliards d'euros sans la garantie de ne pas avoir ensuite des grèves dans ses usines.

C'est sous cette pression générale que des référendums avaient été organisés dans trois usines du groupe, l'une à Naples et deux à Turin, pour faire avaliser les accords imposés par Marchionne et signés par deux des trois principaux syndicats, la CISL et l'UIL, mais refusés par la FIOM, autrement dit la fédération de la métallurgie de la CGIL.

Grâce à ce chantage du type « L'emploi sera à nos conditions, ou bien Fiat mettra la clé sous la porte », les accords étaient passés, bien qu'à une courte majorité parmi les ouvriers. Il en résultait que ceux-ci ne seraient plus ouvriers Fiat, mais réembauchés individuellement par une New company (en anglais dans le texte) spécialement créée pour ne plus reconnaître les accords antérieurs. Enfin, seuls les syndicats signataires CISL et UIL seraient reconnus dans l'entreprise, tandis que la FIOM-CGIL et les petits syndicats de base, non signataires, n'auraient plus aucun droit à être représentés.

Et voilà qu'après un tel chantage, qui a servi pour la remise en cause des droits ouvriers non seulement chez Fiat mais à l'échelle nationale, Marchionne déclarait que tous comptes faits, vu la situation du marché automobile, le plan « Fabbrica Italia » et les vingt milliards d'investissements promis n'ont plus lieu d'être. Il est vrai que les travailleurs ont déjà eu le temps de s'en apercevoir. À l'usine de Pomigliano d'Arco, près de Naples, deux ans après l'acceptation de l'accord, seuls 2 000 travailleurs sur 4 000 ont été réembauchés dans la « new company » et ils ne sont rentrés en septembre que pour se voir annoncer des semaines de chômage partiel. Quant à l'usine Fiat de Mirafiori, à Turin, elle n'ouvre que quelques jours par mois et ses travailleurs restent au chômage, en attendant encore que le processus de réembauche par la New company se mette en place !

Les déclarations de Marchionne n'ont donc que confirmé une situation, mais fait suffisamment scandale pour que les dirigeants politiques, qui se sont tant engagés pour l'aider à faire passer son plan, se sentent obligés de lui demander des explications : puisque Fiat ne voulait plus faire les investissements promis, avait-il l'intention de fermer des usines en Italie et de mettre leurs ouvriers définitivement au chômage ? Eh bien, le 22 septembre, Monti et ses ministres ont dû encore une fois se contenter de réponses sibyllines et d'un exposé sur les difficultés de Fiat et la façon dont celle-ci souhaiterait que le gouvernement l'appuie, notamment par des dégrèvements de cotisations sociales et des aides à l'exportation.

La Fiat impose ce qu'elle veut, annonce ce qu'elle veut, mais ne se considère engagée à rien : telle est la substance de l'attitude de Marchionne. Des accords ont été imposés, les travailleurs ont abandonné une partie de leurs droits sans même avoir en échange les emplois promis, une usine Fiat a été définitivement fermée en Sicile et d'autres le sont de fait. Mais le gouvernement Monti, après la rencontre avec Marchionne, a promis de se préoccuper de la situation... des patrons de l'automobile !

La seule réponse à l'arrogance des patrons de ce groupe, qui dans toute son histoire s'est enrichi grâce aux commandes, à la complaisance et aux largesses de l'État italien, ce serait l'expropriation sans indemnisation, de façon à ce que ses fonds servent au moins à payer les ouvriers qu'aujourd'hui il se permet de renvoyer chez eux. Mais cette expropriation, seuls les travailleurs pourront l'accomplir.

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