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Afrique du Sud : Les mineurs de Marikana ont fait reculer Lonmin
Le 18 septembre, après six semaines d'une grève qui aura coûté la vie à 40 de leurs camarades, les 38 000 mineurs de platine du complexe Lonmin de Marikana ont contraint le géant minier à céder du terrain.
Sans doute n'ont-ils pas obtenu les 1 250 euros par mois qu'ils revendiquaient. Mais, avec une augmentation immédiate de 11 à 22 % et une autre de 12 % à négocier le mois prochain, c'est déjà trois fois plus que ce qu'avaient obtenu les quatre grandes grèves de l'année 2011, dans les mines de charbon, de diamant, d'or et dans la métallurgie.
La grève de Marikana aura été remarquable à bien des égards. D'abord parce qu'elle s'est déroulée hors du contrôle et malgré l'opposition de l'appareil bureaucratique du syndicat des mineurs. Ensuite parce que la force des grévistes de Marikana aura été, outre leur détermination, d'avoir su entraîner les principales mines de la région.
Après le massacre du 16 août qui avait fait 34 victimes dans les rangs des grévistes, des arrêts de travail s'étaient produits dans de nombreuses mines. Mais ce furent les cortèges des grévistes de Marikana qui, en se rendant de mine en mine, finirent par transformer ces débrayages en grève. Du coup, le 11 septembre, le numéro un du platine mondial, Anglo Platinum, arrêta la production dans ses mines du bassin de Rustenburg. Les jours suivants, les autres trusts du platine et du chrome faisaient de même.
Les compagnies minières avaient été prises de court par l'extension rapide du mouvement et tentaient d'arrêter l'embrasement. Ayant fermé les mines pour se livrer à un chantage aux licenciements, elles firent appel aux forces de répression du régime. Le 15 septembre, des blindés légers de la police et de l'armée, appuyés d'hélicoptères, investirent Nkaneng, le plus important des bidonvilles habités par les grévistes de Marikana, faisant de nombreux blessés. Dans le même temps, l'armée quadrillait la région de Rustenburg.
Mais rien n'y fit. Renforcés par la mobilisation des mineurs de la région, ceux de Marikana ne cédèrent pas. Ce fut finalement Lonmin qui, face à un mouvement que rien ne semblait pouvoir arrêter, finit par lâcher du lest.
Mais ce n'est pas pour autant que ce mouvement est terminé. Dans le bassin de Rustenburg en particulier, le complexe d'Anglo Platinum reste en grève avec ses 26 000 mineurs, tout comme d'autres mines importantes, comme celles d'Aquarius et d'XStrata. Et, surtout, la vague de grèves a depuis longtemps gagné les mines d'or dans plusieurs bassins du pays. Dès le 29 août, la majorité des 46 000 mineurs du complexe KDC GoldFields, près de Johannesburg, s'étaient mis en grève. Depuis, plusieurs grandes mines se sont jointes à eux, dont des mines appartenant au numéro un de l'or sud-africain, AngloGold Ashanti.
Aujourd'hui, le régime et les trusts miniers s'inquiètent de la contagion que pourrait susciter le recul de Lonmin. Aussi la loi martiale a-t-elle été décrétée dans le bassin de Rustenburg, qui reste le centre névralgique du mouvement.
Mais les mineurs ne se laissent guère intimider, même ceux de Marikana qui sont censés avoir obtenu satisfaction : en témoignent les émeutes du 19 septembre à Nkaneng, après l'annonce du décès d'une conseillère municipale très appréciée, blessée lors des raids policiers du 15 septembre ; ou encore celles qui ont touché le complexe d'Anglo Platinum. Dans les deux cas, les blindés des forces de répression ont été renversés et brûlés, forçant l'armée à se retirer à distance.
Dans ce mouvement, les mineurs ont pour eux leur détermination et la capacité d'organisation dont ils ont fait preuve, mais aussi leur nombre, leur poids économique, et un prestige politique considérable, du fait de leurs luttes passées sous l'Apartheid. Bref, ils auraient de quoi faire craindre à la bourgeoisie une crise sociale incontrôlable et ils auraient donc les moyens de lui arracher beaucoup plus encore.