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Leur société
Le scandale des irradiés d'Épinal : Le procès d'un système
Le procès des accidents de radiothérapie survenus à l'hôpital Jean-Monnet d'Épinal, dans les Vosges, s'est ouvert lundi 24 septembre à Paris. Dans le box des accusés, on retrouve deux médecins radiothérapeuthes et un radiophysicien, jugés pour « homicides et blessures involontaires, non-assistance à personne en danger et destruction de preuves ». À leurs côtés, les ex-directeurs de l'hôpital, de la DDASS et de l'Agence régionale de l'hospitalisation de Lorraine, ainsi que l'hôpital comme personne morale, sont poursuivis pour « omission de porter secours ».
Aux dires de l'enquête, plus de 500 malades auraient été surirradiés entre 2001 et 2006. 24 d'entre eux, traités pour un cancer de la prostate entre 2004 et 2005, auraient reçu des doses de rayons X encore plus élevées du fait d'une erreur de paramétrage d'un nouvel appareil mis en place en 2004. Parmi eux, sept sont décédés, et le lien a été formellement établi entre ces décès et les doses délivrées. Des centaines d'autres malades ont été trop irradiés et présentent des séquelles graves et invalidantes. Une autre erreur, portant sur des patients traités entre 1987 et 2006, et qui ne fait pas l'objet du procès en cours, porterait le bilan des victimes à près de 5 500 patients.
Au-delà des erreurs techniques et médicales, l'enquête a aussi montré, à tous les niveaux de l'encadrement hospitalier et dans les organismes de contrôle sanitaire, une volonté de cacher ces erreurs. En novembre 2006 l'affaire était révélée dans la presse et en février 2007 l'Agence régionale d'hospitalisation de Lorraine annonçait la fermeture du service de radiothérapie. Mais dès mars 2007, un rapport de l'IGAS affirmait que « les effets de l'accident ont été constamment minimisés » et que « les malades ont été livrés à eux-mêmes ».
Aujourd'hui les deux radiothérapeutes n'exercent plus leur activité, l'un ayant été radié et l'autre suspendu. Le radiophysicien a repris son activité dans une clinique privée de la région parisienne. Les responsables hospitaliers ont été écartés de leurs fonctions à l'hôpital, à la DDASS et à l'ARH. Mais, au-delà de ces sanctions professionnelles, ce qu'attendent les centaines de patients surirradiés, c'est la condamnation de la longue chaîne d'incompétence et de complicité qui permet d'expliquer le plus grave accident de radiothérapie survenu dans ce pays. Et, au-delà des responsabilités individuelles des six prévenus, ils attendent que soient aussi dénoncées les responsabilités écrasantes des pouvoirs publics, dont la politique de casse de la santé ne donne pas les moyens aux hôpitaux de fonctionner correctement. À Épinal, le radiophysicien était seul avec 700 malades quand une circulaire ministérielle en recommande un pour 400, et il partageait son temps entre l'hôpital et les cliniques privées de la ville...