Mardi 10 janvier, au deuxième jour de la grève générale appelée par les syndicats nigérians, des dizaines de milliers de manifestants protestaient contre la hausse des prix, la corruption des autorités et, en fait, contre la situation invivable dans laquelle se débattent les classes populaires de ce pays.

C'est le gouvernement lui-même qui a déclenché ce mouvement de révolte en faisant doubler le prix des carburants. Le litre d'essence est ainsi passé de 30 à plus de 60 centimes d'euro, dans un pays où les deux tiers de la population gagnent moins de 1,5 euro par jour. Cette augmentation entraîne évidemment celle du prix de toutes les marchandises, mais aussi celle de l'énergie en général car nombre de Nigérians vivant en ville et n'ayant pas accès à l'électricité utilisent des groupes électrogènes.

Aberration de la situation, le Nigeria est un pays producteur de pétrole, le premier d'Afrique noire. La production d'hydrocarbures y représente 40 % de la richesse nationale et 90 % des investissements étrangers. Mais cette richesse, dont le gros va aux compagnies pétrolières occidentales et les miettes aux sommets de l'État nigérian, est une malédiction pour l'immense majorité des 160 millions d'habitants.

Les luttes entre les compagnies ont été sources de dictatures, d'assassinats, de corruption, de guerres, celle dite du Biafra a fait un million de morts en 1967. L'exploitation pétrolière a transformé le delta du Niger en un cloaque où plus rien ne pousse ni ne vit. Il y a à peine un mois, un énième accident dans un forage offshore de la Shell a pollué des dizaines de kilomètres de côtes et condamné au désespoir les villages de pêcheurs de toute une région. Enfin, exemple typique de ce que la société capitaliste appelle « développement », le Nigeria ne possède presque pas de raffineries et est obligé d'importer au « prix du marché » les produits pétroliers dont il a besoin. C'est d'ailleurs pour cela que la population ne peut y avoir accès que s'ils sont subventionnés.

Les travailleurs des villes et des campagnes ont toutes les raisons d'exiger, au moins, que cette subvention soit maintenue et d'élargir leur mouvement. Il est probable aussi que dans les hautes sphères de l'appareil de l'État et de l'armée comme dans les bureaux spéciaux des trusts pétroliers, on tente de dévoyer la colère de la population en agitant les divisions ethniques et religieuses existant dans le pays alors que la lutte doit viser les vrais et les seuls ennemis des exploités : les dirigeants corrompus et surtout, au-dessus d'eux, les trusts occidentaux, principaux organisateurs et bénéficiaires de la situation.