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- Lutte ouvrière n°2267
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Il y a un siècle, octobre 1911 : Janvier 1912, la fin de la Chine impériale
Le 10 octobre 1911, la mutinerie d'une garnison militaire à Wuhan, en Chine, allait conduire à la chute des Qing, la dynastie mandchoue qui dominait l'empire chinois depuis 1644, amenant la proclamation de la République le 1er janvier 1912. Ce n'était en fait que la première vague de l'explosion politique et sociale qui allait embraser cet immense pays pendant un demi-siècle.
Depuis 1800, le pouvoir des Qing était confronté à la stagnation économique, aux disettes et aux révoltes. À partir de 1839, les puissances occidentales, en tête la Grande-Bretagne et la France, imposèrent par la force une série de traités qui allaient leur permettre de dépecer le pays en plaçant les exportations entièrement sous leur contrôle. Une bourgeoisie chinoise commençait à se constituer, issue des rangs des « compradores » qui servaient d'intermédiaires aux capitalistes étrangers. En même temps, les contradictions sociales augmentaient dans ce pays comptant déjà plusieurs centaines de millions d'habitants, vivant souvent dans une extrême pauvreté.
Le développement d'un courant nationaliste bourgeois...
Depuis les années 1890, il existait des mouvements nationalistes opposés à la dynastie comme le mouvement Renaissance de la Chine fondé en 1894 par Sun Yat-sen. D'origine paysanne, celui-ci avait fait des études de médecine à Hawaï où il avait découvert la puissance économique américaine et emprunté à Abraham Lincoln ses « trois principes du peuple » (nationalisme, démocratie, bien-être). Contrairement à ceux qui espéraient le changement en imposant une monarchie constitutionnelle, lui pensait qu'il fallait renverser la dynastie, ce qu'il tenta à deux reprises mais sans succès. Il dut s'exiler et organisa l'opposition républicaine depuis le Japon.
Sun Yat-sen reçut le soutien financier des marchands et artisans chinois de la diaspora. En 1905, les mouvements nationalistes fusionnèrent en une Ligue Jurée, dont il résumait ainsi le programme : « Chasser les étrangers, restaurer la Chine, fonder une république et redistribuer équitablement les terres ».
Sun Yat-sen rêvait d'une Chine indépendante jouant sa partie dans le concert des nations. Mais, comme la plupart des bourgeois chinois, dont certains étaient aussi les propriétaires des terres sur lesquelles la majorité des paysans n'arrivaient pas à survivre, il ne voulait pas d'une révolte de ceux-ci.
La dynastie mandchoue à bout de souffle
À partir de 1900, la dynastie mandchoue était à l'agonie. La mort de l'impératrice en 1908 précipita les événements. Une assemblée de notables des régions, élus par les seuls lettrés et riches propriétaires, se transforma en un foyer d'opposition au régime impérial. Au cours de l'année 1911, les sentiments antidynastiques des notables locaux et d'une partie de l'armée se renforcèrent. Et le 9 octobre dans le Hubei, l'exécution d'opposants qui préparaient un soulèvement armé déclencha une mutinerie parmi les troupes. Le 10 octobre, un gouvernement militaire du Hubei était proclamé et appelait à l'insurrection contre la dynastie. La révolution commençait.
En réaction, la cour impériale envoya le général Yuan Shi-kai et son armée affronter les insurgés mais, le 2 novembre, ce général entamait des négociations secrètes avec le camp républicain. Le 11 décembre 1911, les délégués de dix-sept provinces se mirent d'accord sur le principe de l'élection d'un président provisoire. Le 25 décembre, Sun Yat-sen revenait d'exil. Le 29 décembre, il était élu avec les suffrages de 16 provinces sur 17 et la république proclamée le 1er janvier 1912.
Une bourgeoisie impuissante face aux seigneurs de guerre...
Toutefois, la jeune république était dans une position précaire. Le nouveau gouvernement n'avait aucune influence sur les masses paysannes. Aussi chercha-t-il une alliance avec Yuan Shi-kai et son armée en lui offrant la présidence de la République que Sun Yat-sen lui céda le 10 mars.
Le 25 mars 1912, les groupes nationalistes fondaient un parti nationaliste, le Kuomingdang, qui remporta les premières élections législatives libres en février 1913. Mais le général Yuan Shi-kai, encore lui, imposa sa dictature, assassinant le premier ministre pressenti, abolissant les assemblées nationales et provinciales et se lançant à la poursuite des nationalistes. L'aile républicaine se regroupa sur ses bases traditionnelles, Canton et Shangai, et appela sans succès à une « seconde révolution ». Elle ne chercha pas à s'allier à une révolte paysanne qui éclatait au même moment au Nord-Ouest du pays. Sun Yat-sen n'eut plus qu'à retourner au Japon tandis que Yuan Shi-kai tentait de se faire proclamer empereur.
À la mort de ce dernier en juin 1916, la Chine fut livrée aux ravages des chefs militaires provinciaux, ces « seigneurs de guerre » de funeste réputation. L'écroulement de l'empire déboucha sur le chaos. De 1916 à 1928 se succédèrent vingt-cinq équipes gouvernementales, trente-quatre chefs de gouvernement et cinq parlements différents. Derrière ces factions militaires ou civiles, on retrouvait les différentes puissances impérialistes tentant de renforcer leurs positions.
À la fin de la Première Guerre mondiale, la mobilisation des classes populaires allait dessiner les contours d'une véritable révolution sociale. Le prolétariat chinois peu nombreux mais concentré s'organisa rapidement en syndicats. Après le succès de la révolution ouvrière russe de 1917, un Parti communiste fut fondé en 1921, sous la direction de Chen Duxiu. Mais l'espoir d'une révolution ouvrière allait être trahie par le stalinisme.