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- Lutte ouvrière n°2101
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États-unis : Victoire d'Obama et défaite du camp Bush - les intérêts de la bourgeoisie sont préservés, ceux des travailleurs restent à défendre
Cette fois, il n'a pas même été nécessaire d'attendre la fin du dépouillement pour que Barack Obama soit reconnu comme le 44e président des États-Unis. Sa victoire est nette non seulement en nombre de grands électeurs qui l'éliront officiellement le 15 décembre prochain, puisque l'élection présidentielle américaine se fait à deux degrés, mais aussi en voix. On parle même de raz de marée. La participation a été forte et les démocrates ont renforcé leur majorité à la Chambre des députés et au sénat.
La plupart des commentateurs s'étonnent et trouvent tout à fait extraordinaire que l'Amérique, dont les trois quarts des votants sont blancs, ait élu un président noir comme si la couleur de peau était un critère décisif. Les mêmes d'ailleurs doutaient de la victoire d'Obama en voyant sa race comme un handicap.
La victoire d'Obama ne signifie pas qu'il n'y ait plus de racisme aux USA, ni qu'il n'y ait plus de discrimination envers les Noirs. Mais l'élection ne s'est pas jouée sur ces questions-là bien que ce soit très souvent ce que la presse ici a mis en avant. Quelques jours avant l'élection, le Wall Street Journal notait qu' « il serait stupide de prétendre que le succès d'Obama parmi les électeurs blancs soit dû à une quelconque révolution dans les mentalités depuis l'élection de 2004 ».
Bush a fait la victoire d'Obama
De fait, ce qui a changé depuis 2004, c'est un rejet puissant de Bush et de son gouvernement. Un rejet qui s'est encore intensifié avec la crise financière et la façon dont le gouvernement a volé au secours des spéculateurs.
Si la victoire d'Obama dans les primaires de l'Iowa en janvier dernier a fait de lui un candidat crédible et lui a gagné le soutien d'une bonne partie de l'électorat noir, ce n'est qu'en septembre, après l'éclatement de la crise financière, que les sondages ont vraiment basculé en faveur d'Obama, par rejet de Bush et du candidat républicain McCain.
Jusque-là Obama peinait à mordre sur l'électorat populaire sans que le racisme, tout en y ayant une part, en soit la cause essentielle. Tout simplement Obama ne s'adressait pas à ce public populaire, ne parlait pas des problèmes qui le préoccupait et évidemment n'y apportait aucune solution. Il représentait un autre milieu social auquel les travailleurs ne pouvaient s'identifier. D'ailleurs rappelons-nous qu'au début de sa campagne Obama passait pour un Blanc aux yeux même de certains Noirs, tellement il était intégré au monde bourgeois. McCain et surtout sa colistière Sarah Palin apparaissaient, avec un langage simple et direct, bien plus proches de la population laborieuse blanche alors que leur politique était aux antipodes de ses intérêts.
Mais le rejet, la haine même envers Bush, a eu en partie raison de ces réticences. Et Obama a récolté 44 % des votes des électeurs blancs alors que le candidat démocrate en 2004 n'en avait recueilli que 41 %. McCain en a eu 54 % contre 58 % à Bush en 2004. D'ailleurs on a vu en septembre la colère envers le plan de sauvetage des grandes banques, y compris parmi les électeurs républicains, qui a déstabilisé de nombreux députés républicains qui ont fait capoter le plan dans un premier temps. Et bien qu'Obama se soit bien gardé de prendre des engagements vis-à-vis des victimes de la crise, c'est la situation elle-même qui a brusquement changé l'état d'esprit des électeurs.
Un politicien responsable devant la bourgeoisie
Dès qu'il eut gagné les primaires en juin dernier, Obama s'est bien gardé de faire des promesses à la population laborieuse. Il s'est efforcé de montrer à la grande bourgeoise qu'il était un politicien responsable. Il est même revenu sur un certain nombre de déclarations faites lors de sa campagne contre Hillary Clinton, en particulier sur l'engagement d'arrêter la guerre en Irak et de retirer les troupes américaines. Il s'est dit partisan d'intensifier la guerre en Afghanistan voire de l'étendre au Pakistan ! En fait il s'est engagé sur la continuité de la politique étrangère américaine. Il est même question maintenant qu'il prenne comme ministre de la Défense l'actuel ministre de la Défense de Bush, Robert Gate...
En ce qui concerne la crise financière, il a soutenu comme McCain le plan Bush-Paulson de 700 milliards de dollars pour les banques. Et il est revenu il y a quelques semaines sur le peu de promesses qu'il avait pu faire à la population en déclarant que la situation ne lui permettra sans doute pas de faire ce qu'il avait prévu.
La grande bourgeoisie avait d'ailleurs choisi son candidat avant le vote. Obama a récolté deux fois et demi ce que McCain a pu récolter comme fonds pour sa campagne. Et les dons se sont encore accélérés en septembre où il a battu tous les records avec 155 millions de dollars en un mois. Il est remarquable que Obama a reçu l'essentiel du soutien financier en provenance des grandes institutions financières de Wall Street, mais aussi de bien d'autres secteurs de l'économie. Et si la bourgeoisie a fait ce choix c'est qu'elle estime que, dans les temps de plus en plus difficiles qui s'annoncent pour la population laborieuse, Barack Obama et les démocrates sont plus à même de faire accepter des sacrifices à la population.
C'est dire que malgré la joie qui a éclaté au soir de l'élection aux États-Unis et ailleurs, on verra que comme l'a proclamé Obama « tout est possible aux États-Unis » : on peut y voir un président démocrate noir mener une politique dans la droite ligne de celle d'un président républicain blanc.
Il est à souhaiter que les travailleurs qui ont voté Obama pour se débarrasser de Bush ou pour prendre une revanche sur les humiliations subies depuis trop longtemps n'aient pas trop d'illusions sur ce que Obama va leur apporter et se préparent à se défendre, à refuser les sacrifices supplémentaires qu'on va vouloir leur imposer et à obliger la bourgeoisie à payer pour leur crise.