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Dans le monde
Turquie - Union européenne : Les calculs d'Obama ne sont pas ceux de Sarkozy
À peine terminée la conférence du G20 le jeudi 20 avril, où d'après Sarkozy les présidents américain et français auraient parlé d'une seule voix, Obama a affirmé que la Turquie devait devenir membre de l'Union européenne, amenant Sarkozy à rappeler qu'il restait opposé à cette perspective.
La pose de Sarkozy, prétendant parler d'égal à égal avec le président des États-Unis et même lui donner des conseils, revient ainsi à ses justes proportions : une gesticulation à l'usage du public français. Les États-Unis ont leurs intérêts et leur diplomatie propres et n'attendent pas les avis d'un politicien français, aussi énervé soit-il.
La Turquie, qui est membre de l'Otan, abrite une importante base militaire américaine. Elle fut et reste un poste avancé des États-Unis, à la fois sur la frontière de l'ex-Union soviétique et en direction du Moyen-Orient. Il est aussi possible que le gouvernement turc ait obtenu le soutien ouvert d'Obama sur la question de l'Union européenne en échange de son vote pour le candidat officiel à la tête de l'Otan, candidat que les représentants turcs avaient commencé par récuser.
Mais, de toute façon, la diplomatie américaine s'est toujours prononcée, même si elle ne l'a pas toujours claironné, pour l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne et, de façon générale, pour l'élargissement du marché européen. Les capitalistes américains y sont favorables pour les mêmes raisons que les plus puissants des capitalistes européens : plus le marché unique est vaste, plus les affaires sont facilitées.
Pour le gouvernement français, l'affaire n'est pas aussi simple. D'abord pour des raisons d'opportunisme politique. La Turquie a beau être un pays laïc, elle est majoritairement peuplée de musulmans. L'adhésion de la Turquie n'est pas une nécessité économique urgente car en fait elle est déjà dans une union douanière avec l'Union européenne. Le refus de l'adhésion était donc pour Sarkozy un moyen simple d'attirer les voix des électeurs qui n'aiment pas les étrangers en général et les musulmans en particulier...
De plus, l'adhésion de la Turquie et de ses 70 millions d'habitants pose à l'Union européenne un problème d'équilibre politique. Pour l'instant l'Union est dirigée par l'alliance des pays les plus riches et en même temps les plus peuplés, l'Allemagne, la France ainsi que la Grande-Bretagne et l'Italie, contre lesquels les autres ne peuvent rien faire. L'objet de la Constitution de 2005 était justement de légaliser la domination de ces pays sur l'ensemble des 27. Son maintien, dans le cas de l'intégration d'une Turquie qui compte 70 millions d'habitants, demanderait de nouvelles contorsions constitutionnelles. C'est aussi pour cela que, du point de vue des États impérialistes européens, il est en la matière urgent d'attendre.
L'adhésion de la Turquie à l'Union européenne ne changerait certes pas le fait que le pays est dominé par une riche bourgeoisie capitaliste, elle-même alliée au grand capital étranger, européen en particulier. Mais elle pourrait répondre à l'aspiration des travailleurs turcs à bénéficier des mêmes conditions de vie et de travail que les travailleurs des pays plus riches d'Europe, ainsi que de la libre circulation des personnes dans l'ensemble de l'Union européenne.
Quant aux travailleurs européens, ils n'ont aucune raison non plus de s'y opposer, car tout ce qui peut contribuer à faire disparaître un tant soit peu les divisions nationales entre travailleurs ne peut être qu'un avantage dans les luttes futures de la classe ouvrière de l'Union.
Mais est-il besoin de dire que tout cela n'entre pour rien dans les calculs ni d'un Obama, ni d'un Sarkozy ?