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- Lutte ouvrière n°2124
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Italie : Le tremblement de terre de L'Aquila - construction à bon marché et bon marché de la vie humaine
Une semaine après le tremblement de terre du 6 avril, qui a détruit une grande partie de la ville de L'Aquila, dans les Abruzzes, et des villages environnants, les quelque 30 000 sinistrés ne peuvent que regarder l'avenir avec appréhension. Ils sont désormais parqués dans de grands villages de toile mis en place par la Protection civile, subissant la pluie et le froid qui règne encore à cette époque de l'année dans cette région d'altitude.
Mais surtout, ils risquent d'être là pour longtemps si l'on en juge par les précédentes expériences de tremblements de terre en Italie, après lesquels les sinistrés ont dû attendre des années avant d'être relogés, quand ils l'ont été. Le cas des victimes du tremblement de terre du Belice, en 1968 en Sicile, fait encore scandale. Et un reportage télévisé a même pu montrer des baraques, dans lesquelles vivent encore des familles de sinistrés... du tremblement de terre qui a détruit Messine en 1908 !
Dans un pays dont une grande partie du territoire est notoirement en zone sismique, chaque tremblement de terre soulève un scandale, qui vient s'ajouter aux autres. Le tremblement de terre de L'Aquila ne fait pas exception. C'est bien sûr une catastrophe naturelle mais si, bien que d'intensité moyenne, il a pu causer 293 morts et rendre inutilisables 50 % des habitations, c'est bien parce qu'aucune norme de construction antisismique n'a été respectée.
Bien sûr, cela peut se comprendre pour les constructions anciennes, encore qu'aucun processus de mise aux normes n'ait été enclenché. Mais souvent ce sont aussi ces constructions-là qui ont le mieux résisté. En revanche, des constructions modernes se sont abattues rapidement. C'est le cas de la Maison de l'étudiant de L'Aquila qui s'est écroulée sur ses jeunes pensionnaires à qui on avait assuré quelques heures auparavant qu'ils n'avaient rien à craindre. C'est le cas aussi de l'hôpital, dont les piliers de béton n'ont pas résisté aux secousses alors que sa construction, qui a duré 28 ans, a englouti des quantités de fonds publics, disparus dans les poches d'entrepreneurs véreux.
Outre l'indélicatesse des entrepreneurs et l'emprise des diverses mafias sur le bâtiment, la législation aussi est en cause. Des normes sur les constructions antisismiques n'ont été adoptées qu'avec retard : une loi imposant des normes contraignantes n'a été adoptée qu'en 2005 et, sous la pression des lobbies du bâtiment, son application a été repoussée d'année en année. Il aura fallu le présent tremblement de terre pour que son application soit finalement décidée pour le 30 juin 2009.
Depuis le tremblement de terre du 6 avril, les diverses autorités se sont succédé pour assurer les sinistrés de leur solidarité, du pape à Berlusconi et à ses déclarations de mauvais goût leur conseillant de prendre ce qui leur arrive comme si c'était « un week-end en camping ». Après tout ce bruit médiatique, le gouvernement assure que tout sera fait pour reconstruire rapidement, que les erreurs du passé ne se répéteront pas. Il reçoit le soutien des dirigeants du Parti Démocrate, le parti d'opposition qui était encore au gouvernement il y a un an, tous d'accord pour étouffer le scandale. En déclarant que « tous doivent se sentir responsables » de l'incurie dans la construction, ils cherchent surtout à esquiver leur responsabilité propre.
Quant à l'avenir, il n'y a aucune raison de faire confiance au gouvernement d'affairistes que préside Berlusconi, ni pour le relogement des sinistrés ni pour une rapide mise aux normes des constructions dans l'ensemble des zones sismiques. Ce n'est pas la négligence générale qui est en cause : c'est un système où la construction à la va-vite, l'absence de contrôle, la pression de gros entrepreneurs à la recherche de marchés et de profits rapides, la corruption, sans parler de l'emprise des mafias, font bon marché de la vie des populations.