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Dans les entreprises
Toyota (Valenciennes) : La grève continue
Après le long week-end de Pâques, les grévistes de Toyota Valenciennes se sont retrouvés à 150 dès le lundi soir pour accueillir l'équipe de nuit, et bien décidés à poursuivre la grève. Le lendemain dans la matinée, nous étions autour de 300 - les trois équipes réunies - pour discuter de la poursuite du mouvement, un peu moins que le vendredi précédent. Avec autour de 15 % d'absents sur les lignes de production pour 2 700 ouvriers - une partie des grévistes restant chez eux - c'est un tiers de la production qui ne sort pas... sans parler du nombre de voitures qui partent directement en retouche.
Pendant la première semaine, les grévistes se sont renforcés. Mardi 7, le second jour de la grève, le directeur était venu au devant du cortège des grévistes s'excuser d'avoir déclaré : « Je préfère crever que de les payer à 100 % ».
Le lendemain, pour bien montrer que les grévistes n'étaient pas « des ignorants manipulés par les syndicats », comme le répétaient les chefs, un comité de grève était élu, avec six représentants par équipe, beaucoup de non-syndiqués, et aussi des syndiqués et des délégués syndicaux.
À partir de jeudi 9, dans les ateliers traversés par le cortège de grévistes avec tambours et cornes de brume, beaucoup d'ouvriers au travail quittaient leurs machines pour voir passer le défilé. Les chefs restaient à l'écart et ne harcelaient plus les grévistes comme un essaim de mouches. Les prises de parole dans les bureaux touchaient les employées, notamment celles contraintes d'aller en production tenir des postes de grévistes.
Vendredi 10, la direction ouvrait une négociation, mais sans rien lâcher sur la revendication du chômage partiel payé à 100 % et du paiement des journées de grève. Elle proposait uniquement d'étaler les 200 à 300 euros de perte de salaire sur plusieurs mois ! Ce qui fait que les trois déléguées du comité de grève sorties informer les grévistes de l'évolution des négociations ne sont revenues qu'à une... pour dire que l'attitude de la direction énervait fortement les grévistes et que les deux autres ne reviendraient pas ! L'ensemble des délégués du comité de grève et les responsables CGT et FO sont alors sortis et ont laissé en plan les représentants de la direction.
Les grévistes avaient le sentiment de commencer à se faire respecter.
La direction refuse de céder, et préfère perdre un tiers de la production, alors que Toyota a largement les moyens de payer le chômage partiel à 100 %. Les 82 millions d'euros de bénéfices déclarés pour 2008 pour l'usine de Valenciennes, soit plus de 2 000 euros par salarié et par mois, le permettraient largement !
Dans l'après-midi du mardi 14, la direction a changé de ton. Devant le comité de grève, la CGT et FO, le vice-président japonais de Toyota France a proféré un discours particulièrement offensif et insultant vis-à-vis des dirigeants syndicaux CGT et FO et des grévistes eux-mêmes en réaffirmant qu'il ne cédera en aucun cas et soulevant l'indignation des grévistes !
Évidemment les directeurs de Toyota défendent les intérêts des actionnaires mais aussi d'une certaine façon les intérêts généraux des capitalistes, qui craignent qu'une concession aux grévistes à Valenciennes n'incite les ouvriers d'autres entreprises de l'automobile... et d'autres professions, eux aussi touchés par le chômage partiel, à entrer en lutte à leur tour.
D'autant plus qu'au-delà du chômage partiel, il y a le problème des salaires, et aussi des conditions de travail qui ne cessent de se dégrader. Comme le modèle fabriqué à Valenciennes se vend bien, notamment en Allemagne grâce à la prime à la casse, la direction a prévu une hausse de la production... mais avec moins de personnel, puisque les intérimaires ont été renvoyés. En assemblée générale, un gréviste a résumé la situation de nombreux travailleurs de Toyota - et d'ailleurs aussi - en montrant ses poignets : « Ça fait six ans que je suis dans cette boîte, j'ai 25 ans et je n'ai plus de poignets à force de faire le même geste plusieurs fois par minute » !
Quelle qu'en soit l'issue, cette grève va marquer un tournant dans l'entreprise. Beaucoup de ceux qui tenaient tête aux pressions des chefs ont quitté l'entreprise, écoeurés par de multiples pressions ou tout simplement licenciés sous un prétexte quelconque. Mais avec cette grève, les travailleurs ont commencé à se faire respecter collectivement.