Il y a 25 ans : « Mitterrand trahison »... la marche des sidérurgistes sur Paris15/04/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/04/une2124.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Il y a 25 ans : « Mitterrand trahison »... la marche des sidérurgistes sur Paris

Le 13 avril 1984, des dizaines de milliers de travailleurs de la sidérurgie manifestaient à Paris, à l'appel des syndicats. Ils protestaient contre l'adoption par le gouvernement d'Union de la gauche d'un nouveau plan Acier, synonyme d'une nouvelle saignée dans les effectifs de la sidérurgie.

Ce n'était certes pas la première fois que le gouvernement planifiait les suppressions d'emplois et aidait le patronat à les réaliser. En septembre 1978, le gouvernement de droite de Raymond Barre avait transformé les dettes des maîtres de forge en prise de participation de l'État. 22 milliards de francs de fonds publics furent engloutis dans la sidérurgie et 21 000 emplois furent liquidés. C'était alors le dernier d'une série de plans qui, depuis 1967, sous prétexte de modernisation, prévoyaient des suppressions massives d'emplois. Il permettait aux patrons de la sidérurgie, les de Wendel et les autres, de dégager leurs capitaux pour aller les placer ailleurs.

En 1981, Mitterrand avait remporté l'élection présidentielle et nommé un gouvernement d'Union de la gauche comprenant quatre ministres communistes, du jamais vu depuis la Libération. Sitôt élu, en octobre il faisait une tournée en Lorraine et déclarait : « Aucun poste de travail ne peut être supprimé dans la sidérurgie sans qu'un autre n'ait été créé auparavant dans un autre secteur », dénonçant à Longwy « le coût social d'un capitalisme sauvage. » Mais il ne fallut pas attendre bien longtemps pour que les paroles de Mitterrand s'envolent.

Votée au Parlement en octobre, la nationalisation complète de la sidérurgie fut achevée en février 1982, sans que les patrons y perdent un centime. Cette nationalisation était présentée par le PCF, depuis des années, comme la panacée.

Dès le mois de juin 1982, l'État annonçait 12 000 suppressions d'emplois. En Lorraine, c'était le début de la fin de l'aciérie de Pompey, celle qui avait coulé l'acier ayant servi à bâtir la tour Eiffel. « J'ai voté pour eux en 1981. Aujourd'hui ils ferment mon usine », pleurait, désespéré, un sidérurgiste de Pompey monté à Paris pour manifester, cité par le journal Le Monde.

Moins de deux ans plus tard, le 29 mars 1984, le gouvernement socialiste Mauroy - comportant toujours quatre ministres communistes - révisait le plan Acier et annonçait la suppression de 21 000 emplois supplémentaires. Ce fut alors la colère et le sentiment d'une immense trahison chez les travailleurs. Dans la région de Nancy, les aciéries de Pompey étaient définitivement rayées de la carte et celles de Neuves-Maisons au trois quarts liquidées. Le tiers des emplois de l'usine de Gandrange (qui en comptait plus de 6 000 à l'époque) étaient condamnés. Mais, surtout, ce plan Acier sonnait le glas de la sidérurgie à Longwy.

Dans toutes les usines souffle alors un vent de colère. Le 4 avril est journée de grève générale interprofessionnelle en Lorraine. On dénombre 150 000 manifestants dans les villes de la région, soigneusement encadrés par les syndicats qui craignent plus que tout une explosion sociale, la réédition des émeutes de Longwy de 1979.

Le vendredi 13 avril, les syndicats organisent une grande marche des sidérurgistes sur Paris. Loin de s'appuyer sur la colère des sidérurgistes et d'en faire une marche contre les licenciements, contre le patronat et le gouvernement, les syndicats lui donnent un caractère régional avec, en tête de cortège, majorettes en costume régional et croix de Lorraine. Et pourtant, ce plan Acier est décidé quelques mois seulement après les licenciements massifs chez Talbot à Poissy et, le 13 avril, c'est Citroën qui annonce près de 6 000 suppressions d'emplois. Les confédérations n'ont pas appelé l'ensemble des travailleurs à venir à la manifestation, très encadrée par le service d'ordre syndical et qui traverse des quartiers déserts de Paris.

En donnant à la lutte des sidérurgistes un caractère régional, en l'orientant sur le terrain de la politique industrielle, les confédérations syndicales l'envoyaient sur une voie de garage. Le secrétaire général du PC, Georges Marchais, était venu à la manifestation du 13 avril et il avait même critiqué le plan Acier. En Lorraine, les dirigeants du PC expliquaient que les ministres et les députés communistes n'accepteraient jamais le plan Acier et rompraient avec le PS s'il était appliqué. Il n'en fut rien. Le PCF vota en mai au Parlement la confiance au gouvernement Mauroy et, si le Parti Communiste choisit de ne pas participer au gouvernement Fabius formé plus tard, en juillet, ce fut après un résultat catastrophique aux élections européennes de juin : en cinq ans, le PC passait de 20,5 % des voix à 11,28 %. C'est devant ce recul électoral qu'il renonça à participer au gouvernement, pas en riposte aux attaques contre les travailleurs.

La politique de la direction du PC a non seulement fait fuir les électeurs mais, surtout, elle a puissamment contribué à démoraliser les militants dont l'énergie et le dévouement ont été gaspillés en vain, alors qu'ils auraient pu et dû servir à préparer une nécessaire contre-offensive du monde du travail. Mais pour cela, il aurait fallu un parti réellement et exclusivement au service des intérêts du monde du travail, ce que le PCF n'était plus, et depuis longtemps.

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