Algérie : Bouteflika se fait plébisciter15/04/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/04/une2124.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Algérie : Bouteflika se fait plébisciter

Lors de l'élection présidentielle du 9 avril en Algérie, Bouteflika qui se présentait pour la troisième fois a été « élu » avec plus de 90 % des voix. La participation a dépassé les 74 %. C'est ce qu'il avait demandé lors de la campagne électorale. L'objectif a été atteint : Bouteflika a été plébiscité.

Le président sortant, qui avait renoncé à faire légitimer par référendum la modification de la Constitution lui permettant de se présenter une troisième fois, peut être rassuré. Sa « victoire » est écrasante. Il a profité du soutien de tous les profiteurs du régime, de tous les bourgeois, petits et grands. Les entreprises étrangères présentes en Algérie ont sponsorisé sa candidature.

La campagne de Bouteflika a été massive et agressive. Il a monopolisé la télévision et la radio. Ses affiches ont recouvert les murs et les immeubles des villes et jusqu'aux villages les plus reculés. Le pouvoir a organisé du porte-à-porte pour convaincre les électeurs d'aller voter. Les pressions ont été multiples. Les fonctionnaires étaient menacés, au cas où ils n'iraient pas voter. Tout a été fait pour faciliter les opérations de vote. Des bureaux de vote ont été installés à proximité des campus universitaires. Pour la première fois, les militaires ont voté sur leur lieu de cantonnement. Cela a gonflé les chiffres de votants dans bien des communes de Kabylie.

Beaucoup d'argent a été dépensé pour recruter colleurs d'affiches et transporteurs pour les meetings de Bouteflika. De multiples locaux ont été loués pour ses permanences électorales. Le pouvoir a même réussi à associer à cette opération de clientélisme de nombreux partis politiques en les invitant à participer, contre rétribution, aux commissions de surveillance électorales. Des formations politiques insignifiantes, absentes du scrutin, ont vu leurs adhérents se multiplier le temps de l'élection, attirés par la rétribution de ces commissions de surveillance.

Mais, malgré tous ces moyens, toutes ces pressions, ce clientélisme débridé, il semble que la participation réelle ait été très faible, plus faible que lors de la présidentielle précédente, en 2004. Pour atteindre l'objectif, la fraude a été massive et grossière. À Annaba, le nombre de votants a dépassé le nombre des inscrits... Le directeur de campagne de Louisa Hanoune a déclaré qu'on avait voté à sa place et à la place de sa famille.

Bouteflika a voulu montrer une image de pouvoir fort. Mais en fait, tout cela ne fait que masquer de l'inquiétude. Depuis des mois, Bouteflika et ses ministres multiplient les discours rassurants : selon eux, l'Algérie serait à l'abri de la crise économique. Son système bancaire, nationalisé pour l'essentiel, serait déconnecté de la finance mondiale et le pays disposerait de 150 milliards de dollars de réserve. En fait, l'Algérie est loin d'être à l'abri. Les hydrocarbures représentent 98 % des recettes d'exportation et le prix du pétrole a été divisé par trois depuis l'été dernier. Des investissements, des grands travaux sont remis en cause. Le chômage déjà massif va probablement augmenter dans les mois à venir.

Le pouvoir a adopté depuis quelque temps un discours prônant un « patriotisme économique ». Quelques mesures ont été prises. Ainsi, une loi sur les hydrocarbures particulièrement favorable aux multinationales du pétrole a été remise en cause. Tout investissement étranger doit désormais se faire avec un partenaire algérien majoritaire. La participation algérienne doit être au moins de 30 % pour toute société d'importation. Les médicaments fabriqués en A1gérie sont normalement interdits d'importation. Mais, en fait, il y a dans ces mesures beaucoup d'effets d'annonce. En ce qui concerne les sociétés d'importation, on attend depuis des mois les textes d'application. Une liste de produits pharmaceutiques, pourtant fabriqués en Algérie, viennent de bénéficier d'une dérogation permettant leur importation. Les trusts pharmaceutiques étrangers savent se faire entendre.

Le pouvoir algérien représente tous les exploiteurs du pays mais il est aussi particulièrement soumis aux intérêts des multinationales. Et ce n'est pas un hasard si Sarkozy s'est précipité pour féliciter Bouteflika pour sa réélection.

À l'égard des couches populaires, des travailleurs, ce pouvoir est dur et ne connaît que la menace. Mais il est surtout inquiet, et il a raison de l'être. Le mécontentement est grand. Les prix des produits alimentaires flambent. Les salaires sont très bas... pour ceux qui en ont un. Le pouvoir craint que ce mécontentement se transforme en combativité et en colère. Des grèves ont eu lieu ces derniers mois. Les cheminots ont fait grève en pleine campagne électorale et n'ont pas dit leur dernier mot... La situation peut rapidement être de nouveau explosive en Algérie.

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