Projet de redécoupage des circonscriptions électorales : Aussi antidémocratique qu'avant15/04/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/04/une2124.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Projet de redécoupage des circonscriptions électorales : Aussi antidémocratique qu'avant

La presse vient de révéler le projet de redécoupage des circonscriptions pour les élections législatives proposé par Alain Marleix, secrétaire d'État au ministère de l'Intérieur. 33 circonscriptions seraient supprimées, dont 18 ayant actuellement un député de gauche et 15 un député de droite. Par ailleurs, les Français vivant à l'étranger éliraient 11 députés.

Qu'il faille modifier les circonscriptions en fonction de l'évolution de la population est une évidence, dans ce système électoral où les députés sont élus, en principe, pour représenter un certain nombre d'habitants d'une région. Sinon, on en arriverait à une situation telle qu'elle existait au 19e siècle en Grande-Bretagne avec les « bourgs pourris », où les grandes villes industrielles du nord n'avaient pas de députés à la Chambre des communes, tandis que des zones peuplées essentiellement de moutons en élisaient. La dernière modification avait été faite par Pasqua en 1986 et, depuis, il y a eu des déplacements de population. Selon Marleix, le découpage proposé tiendrait compte des derniers recensements.

Pierre Moscovici, un député PS, a aussitôt crié au « tripatouillage » électoral, et il est en effet probable que le secrétaire d'État a avantagé son propre camp. Mais en fait, c'est la nature même de ce mode de scrutin qui ouvre la porte à tous les tripatouillages et qui fausse toute la représentation des opinions.

Le découpage du territoire en circonscriptions permet en effet de panacher villes ou quartiers ouvriers, votant traditionnellement à gauche, avec des quartiers bourgeois ou des zones de campagne comptant une majorité d'électeurs de droite. Un dosage savant permet ainsi d'assurer dans un grand nombre de cas l'élection du candidat de droite. Mais surtout, le mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours fait que chaque circonscription n'élit que celui qui a réussi à être majoritaire. Dans sa version actuelle en France, la loi écarte du deuxième tour les candidats ayant eu moins de 12,5 % des inscrits, tandis que peuvent se former des alliances entre les autres pour savoir qui restera et qui se désistera en faveur de l'un d'eux. En définitive, le député élu à l'issue du second tour ne représente de toute façon le plus souvent qu'une minorité d'électeurs.

Les tripatouillages électoraux, qu'il s'agisse du découpage des circonscriptions ou des désistements de candidats en faveur d'un autre à la suite de marchandages pas toujours transparents, sont la conséquence directe de ce mode électoral. Le seul mode de scrutin qui au moins permettrait une représentation de toute la diversité des opinions de la population serait la proportionnelle intégrale sur l'ensemble du pays, sans aucune « base éliminatoire ». Elle assurerait au moins que chaque groupe politique ait un nombre d'élus correspondant au pourcentage des voix qu'il reçoit.

Mais ce n'est pas ce que recherchent les classes dirigeantes : elles veulent au contraire un système qui permette l'élection d'une Chambre de députés sans surprise autre qu'une éventuelle alternance entre les partis qui ont fait leurs preuves au service des privilégiés. Quitte évidemment à ce que chaque ministre de l'Intérieur cherche à avantager son camp.

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