La ligne Grande Vitesse Atlantique : Première ligne TGV «concédée» au privé30/01/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/01/une2165.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

La ligne Grande Vitesse Atlantique : Première ligne TGV «concédée» au privé

Samedi 23 janvier, 15 000 personnes ont manifesté entre Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) et Irun, en Espagne, contre le projet de ligne à grande vitesse (LGV) entre Bordeaux et l'Espagne.

Ce tronçon, dont l'achèvement est annoncé aux alentours de 2020, fait partie de la construction de la nouvelle ligne à grande vitesse Sud-Est Atlantique. Celle-ci prévoit le prolongement de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, puis Bordeaux-Toulouse, et enfin Bordeaux-Irun à la frontière espagnole, où s'opérera la jonction avec la nouvelle ligne construite parallèlement en Espagne. À terme, Bordeaux serait situé à deux heures de Paris (contre trois heures aujourd'hui), Toulouse à trois heures (contre cinq heures) et Madrid à six heures.

Un tel raccourcissement des temps de transport n'est possible qu'avec la construction de lignes à grande vitesse. L'intérêt d'une telle infrastructure pour la collectivité semble donc incontestable.

Certains sont opposés par principe à la construction de lignes à grande vitesse et rêvent même de fédérer les opposants à l'échelle de l'Europe. Mais la mobilisation a aussi regroupé de nombreux riverains menacés par le tracé de la nouvelle ligne, qui risquent de subir les nuisances sonores et autres.

Dans les négociations sur le tracé, certains ont plus de poids auprès des autorités. Des propriétaires de vignobles ont pu ainsi négocier que la nouvelle ligne épargne leur AOC. En avril dernier, Michèle Alliot Marie, alors ministre de l'Intérieur et par ailleurs maire-adjointe de Saint-Jean-de-Luz, s'est servie de sa position pour ordonner au préfet de région l'arrêt du projet au sud de Bayonne. Elle a ensuite obtenu de Fillon l'engagement que la ligne serait enterrée à proximité de sa ville - et de ses électeurs - ou qu'elle passe carrément plus loin, en montagne plutôt qu'en plaine, quitte à alourdir considérablement la facture des travaux. Evidemment, les maires des petites communes, même UMP, sans parler des simples travailleurs, habitants, agriculteurs, n'ont pas le même entregent pour faire valoir leurs droits et obtenir des compensations. Ils ne peuvent que se mobiliser et manifester, pour ne pas être victimes d'un projet sur lequel la population n'a pas eu son mot à dire.

Mais surtout, alors qu'il s'agit d'un projet pharaonique qui engloutira des milliards d'argent public, de l'État et des collectivités territoriales, l'objectif de cette ligne est de rapporter directement du profit aux bétonneurs constructeurs mais aussi aux exploitants de la nouvelle ligne.

En effet en mars prochain sera choisie, entre Bouygues, Vinci et Eiffage, la société qui aura la concession de la nouvelle ligne Tours-Bordeaux. D'après RFF, qui a lancé l'appel d'offres, « le concessionnaire de la Ligne à Grande Vitesse Sud Europe Atlantique assurera la conception, la construction, l'entretien, le renouvellement, l'exploitation et le financement du projet, à ses risques ». Ce qui n'empêchera pas l'État et les collectivités territoriales de devoir mettre la main à la poche. Et l'appel d'offres poursuit : « En contrepartie, il disposera des recettes produites par l'exploitation de la ligne. » Ceci pendant, semble-t-il, trente-cinq ans. Les entreprises de transport de voyageurs comme la SNCF - qui sera elle-même bientôt concurrencée - paieront directement à Bouygues ou à Vinci pour l'utilisation des voies.

Ce n'est ni plus ni moins que le rétablissement des concessions qui existaient au temps des compagnies de chemin de fer et qui ont enrichi les Schneider, Pereire, Rothschild et autres dynasties de spéculateurs qui ont prospéré pendant le Second Empire et la Troisième République.

On peut être sûr que les habitants des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées paieront doublement ce cadeau fait aux rois du béton : dès aujourd'hui comme contribuables dans le montant des impôts, et demain comme voyageurs dans le prix du billet.

Alors, si cette ligne à grande vitesse est socialement utile, qu'elle soit réalisée et gérée à prix coûtant, sous le contrôle de la population !

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