Belgique : Inbev retire son plan de suppressions d'emplois30/01/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/01/une2165.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Belgique : Inbev retire son plan de suppressions d'emplois

Le brasseur belgo-brésilien Inbev, qui emploie 2 800 salariés en Belgique, est engagé dans un nouveau plan de 800 suppressions d'emplois en Europe, soit 10 % de l'effectif, dont 263 emplois sur les sites de Louvain (en Flandre) et de Jupille (en Wallonie).

Le 7 janvier, en annonçant son plan, la direction belge d'Inbev tentait de faire oublier la rentabilité de l'entreprise par des arguments rebattus : « Le marché européen est en recul de 20 % », « Inbev est bien géré et nous prenons à temps des mesures moins pénibles qu'en cas de difficultés financières ». Mais le délégué CSC (syndicat chrétien) du site de Louvain a déclaré : « Il est inimaginable qu'une entreprise comme AB Inbev, qui fait de gigantesques profits et distribue des bonus au management puisse, en pleine crise économique, mettre 300 personnes à la porte. »

Les deux syndicats FGTB et CSC décidèrent que leurs militants bloqueraient seuls l'accès aux sites, à l'aide de camions de livraison Inbev. Les barrages empêchaient les livraisons des fournisseurs, comme les expéditions de bière Jupiler, Stella ou Leffe... Mais les salariés, eux, continuaient à rentrer, à pointer, et à travailler... du moins tant que la production n'a pas été paralysée. Des assemblées étaient tenues « pour informer les travailleurs », et si nombre d'entre eux rejoignaient les barrages des militants syndicaux, c'était en dehors de leurs heures de travail.

Le ton des syndicats a été bien plus combatif que d'habitude, dénonçant clairement les responsabilités d'Inbev. Mais cette tactique, soi-disant « moins coûteuse » pour les travailleurs, correspond à la volonté des appareils syndicaux de ne pas engager une réelle grève des travailleurs et de contrôler tout le mouvement pour négocier comme bon leur semble, sans la pression et le contrôle des grévistes.

Le blocage d'Inbev était très populaire, des délégations d'autres entreprises rendaient visite au piquet, approuvant chaudement devant les caméras le principe de ne pas accepter de licenciements dans une entreprise « qui fait des bénéfices ».

La direction d'Inbev s'est efforcée d'obtenir, auprès des tribunaux, des astreintes pour lever les blocages. Le tribunal de Jupille refusa et à Louvain le bourgmestre socialiste, Louis Tobback, complice de graves mesures contre la classe ouvrière, déclara néanmoins qu'Inbev ne devait « pas compter sur sa police pour seconder l'huissier de justice ».

Les plus gros actionnaires d'Inbev sont des familles belges, flamandes, dont les fortunes ont été multipliées presque par deux en quelques années. Un énième plan de licenciements pour augmenter encore leurs profits ne pouvait que choquer profondément tous les travailleurs, alors que chacun craint pour son emploi.

Le courant d'opinion hostile à Inbev se reflétait jusque dans le ton des journalistes de la presse et la télévision. Les patrons d'Inbev hésitaient, leurs astreintes à la main mais n'osant s'en servir, tandis que délégués et militants syndicaux défilaient dans les rues de Liège, Charleroi, Louvain, Bruxelles, sur les camions d'Inbev pavoisés aux couleurs syndicales.

Ni les juges ni les politiciens ne semblaient pressés de venir en aide ouvertement à la direction d'Inbev. Le porte-parole de la Fédération des entreprises de Belgique, Rudy Thomaes, qui représente surtout les grandes entreprises, ne lui manifestait son soutien que du bout des lèvres, après avoir précisé dans ses déclarations qu'il « comprenait les travailleurs d'Inbev ». Finalement, Inbev a retiré son plan de suppressions d'emplois le 21 janvier, le jour même de l'annonce de la fermeture d'Opel Anvers et de la suppression de 2 600 emplois (plus de 5 000 avec les sous-traitants). Etait-ce la crainte que le mouvement à Inbev donne des idées aux centaines de salariés qui perdent leur emploi chaque semaine ?

Les dirigeants syndicaux d'Inbev ne cachent pas que le retrait du plan n'est qu'un report. Ils appellent « à rester vigilants ». Les organisations syndicales n'ont pas utilisé cette fois le prétexte des astreintes et des huissiers pour renoncer à une lutte. Mais pour apparaître responsables aux yeux des patrons, elles n'ont rien fait pour mobiliser véritablement les travailleurs.

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