Corée du Sud : Trois mois d'occupation dans une usine Valeo30/01/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/01/une2165.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Corée du Sud : Trois mois d'occupation dans une usine Valeo

Une délégation de l'usine Valeo-Compressor de Cheonan-si, en Corée du Sud, s'est rendue en France en janvier pour protester contre la fermeture de son usine par le géant français de l'équipement automobile, en octobre dernier.

Le 27 octobre, en rentrant du travail, les 180 ouvriers de l'usine avaient trouvé une lettre envoyée par porteur, leur disant qu'ils n'auraient plus de travail dès la fin de la semaine. Entre-temps la direction de l'usine s'était tout simplement volatilisée, laissant les ouvriers sans interlocuteur. Comme quoi les multinationales françaises tiennent leur place au hit-parade des patrons-voyous dans le monde entier !

En fait, après avoir supprimé 40 % des emplois et réduit les salaires de moitié dans les mois précédents, Valeo avait finalement décidé de rayer cette usine de la carte, dans le cadre d'un plan de restructuration à l'échelle mondiale - décision d'autant plus choquante que le groupe venait d'annoncer des revenus, pour le troisième trimestre 2009, qui étaient à leur plus haut niveau depuis 2005, tout en se vantant de la hausse de ses ventes sur le marché asiatique, et en particulier en Corée !

Pour les ouvriers de l'usine de Cheonan-si, située au centre du pays, dans une région peu industrielle où la crise a fait monter brutalement le chômage, cela signifiait tomber au mieux dans la précarité, avec une baisse de ressources d'au moins 50 %, et au pire dans le chômage, dont l'indemnisation est dérisoire et de courte durée.

Sitôt l'annonce connue, l'usine fut occupée par des militants de la section du syndicat de la métallurgie KMWU (affilié à la confédération KCTU), bientôt rejoints par les travailleurs qui avaient refusé les offres de « retraite volontaire » de Valeo (en fait une démission assortie d'une prime dérisoire, sans le moindre revenu futur).

Aujourd'hui, ils sont une centaine d'ouvriers à poursuivre nuit et jour une occupation qui est entrée dans son troisième mois. Ils ont multiplié les démarches auprès des travailleurs d'autres entreprises du pays, pour leur faire connaître leur combat et faire appel à leur solidarité morale. En particulier des équipes de grévistes ont organisé des sit-in devant les six autres usines Valeo du pays, mais aussi devant l'usine Renault-Samsung de Busan, le principal client de leur propre usine jusqu'à sa fermeture.

En même temps, le KMWU a organisé deux délégations de grévistes en France, en décembre et en janvier, pour faire connaître leur combat aux ouvriers des usines françaises de Valeo et, pensaient-ils, faire pression sur la direction de Valeo pour qu'elle revoie sa position concernant la fermeture de leur usine.

Mais à ce jour, leurs espoirs ont été déçus. Valeo ne connaît qu'un seul langage, celui du rapport des forces et, dans l'état actuel des choses, où la multinationale ne voit pas de menace peser sur ses profits, ce rapport des forces n'est pas favorable aux grévistes. D'autant moins que les conditions de lutte sont particulièrement difficiles en Corée.

La répression contre les organisations ouvrières n'y est certes pas nouvelle. Mais elle s'est aggravée ces derniers mois, alors que l'État s'efforce de prévenir toute résistance des travailleurs face à l'offensive patronale dans la crise. Ainsi, tout sit-in devant une entreprise se termine invariablement par des arrestations, voire des condamnations. De même, depuis la mi-décembre, onze militants de l'usine de Chungnam sont poursuivis pour le crime d'entrave aux affaires et peuvent être emprisonnés à tout moment « pour les besoins de l'enquête ».

C'est dire que, malgré leur détermination et leur courage, les grévistes de Changnum auront besoin de tous les appuis qu'ils pourront trouver autour d'eux, dans la classe ouvrière coréenne, sinon pour obtenir la réouverture de leur usine, en tout cas pour contraindre le trust Valeo, qui en a très largement les moyens, à leur fournir un revenu décent aussi longtemps qu'ils n'auront pas retrouvé un emploi. Et nous ne pouvons que leur souhaiter d'y parvenir et leur exprimer notre entière solidarité.

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