Bangladesh : Les travailleurs du textile en lutte23/04/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/04/une2386.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Bangladesh : Les travailleurs du textile en lutte

Il y a un an, l'immeuble du Rana Plaza à Dacca, capitale du Bangladesh, s'effondrait sur les 3 600 ouvriers du textile qui y travaillaient. Au moins 1 135 d'entre eux furent tués et 2 000 blessés. Aujourd'hui, des associations se battent pour faire payer les multinationales du textile et du prêt-à-porter et, au Bangladesh, les travailleurs se battent pour leurs conditions de travail et leurs conditions de vie.

Depuis 2000, l'industrie textile du Bangladesh a vécu une croissance vertigineuse : en douze ans, le chiffre d'affaires total du secteur a été multiplié par plus de quatre, atteignant plus de 20 milliards de dollars et faisant la fortune des fabricants et exportateurs locaux. Le Bangladesh est ainsi devenu le deuxième fournisseur d'habillement de l'Union européenne, derrière la Chine et juste devant la Turquie. Toutes les grandes marques mondiales sont allées sous-traiter une partie de leur confection là-bas : des américains Gap et Wal-Mart aux français Auchan, Carrefour, Camaïeu, en passant par les espagnols El Corte Inglès, Mango et Zara, l'italien Benetton, le suédois H&M, l'allemand KIK, le hollandais C&A, et d'autres encore.

La catastrophe a été exceptionnellement meurtrière, mais elle est loin d'être arrivée dans un ciel serein. Selon l'organisation Clean Clothes Campaign, 700 salariés de la confection sont morts dans des incendies entre 2006 et 2013. Un journaliste français, Olivier Cyran, parti en reportage pour Le Monde diplomatique au début de l'année 2013, rappelait que juste avant l'effondrement du Rana Plaza, le 7 février 2013, un incendie dans une usine de confection où travaillaient 300 salariés avait fait huit victimes, et que toutes avaient moins de 16 ans. Et à peine quelque mois auparavant, en novembre 2012, un autre incendie, celui du Tazreen Fashions, avait fait 112 victimes et près de 1 000 blessés.

Suite à la mobilisation d'associations à l'échelle internationale, des grands groupes ont versé une obole pour les victimes du Rana Plaza. Mais, selon les syndicats IndustriALL et Clean Clothes Campaign, le fonds d'indemnisation mis en place n'a même pas réussi à lever les 40 millions de dollars prévus. Et certains groupes, comme les français Carrefour et Auchan, ne veulent même rien payer. Auchan par exemple dit avoir été « victime d'une sous-traitance dissimulée ».

Tous savent très bien qu'en faisant pression sur leurs fournisseurs pour tirer les prix au plus bas, ils poussent ces derniers à pressurer encore plus leurs salariés. Et le patronat local n'a évidemment aucun état d'âme. Le directeur de Babylon Group, qui emploie 12 000 personnes, a ainsi déclaré, suite aux mobilisations récentes des ouvriers sur les salaires : « La pression salariale va avoir des répercussions sur les efforts menés pour améliorer la sécurité. » C'est dire que, des grands groupes aux patrons esclavagistes locaux, toute une chaîne de parasites s'est enrichie et continue de s'enrichir de l'exploitation des travailleurs de Dacca.

Mais, depuis la catastrophe d'avril 2013, les travailleurs ont su faire entendre leur colère. Plusieurs grèves de dizaines de milliers et même de centaines de milliers d'ouvriers ont obligé gouvernement et patronat à faire des concessions sur le montant des salaires, les obligeant à faire passer le salaire minimum de 29 à 50 euros. Et c'est bien cette mobilisation qui peut donner espoir, car ce jeune prolétariat de près de quatre millions de salariés, composé à 80 % de femmes, représente une force sociale considérable.

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