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Chine : Des milliers d'ouvriers en grève pour leurs droits sociaux
C'est dans l'usine Yue Yuen, fabrique taïwanaise de chaussures de sport pour toutes les marques célèbres telles qu'Adidas ou Nike, que la grève a commencé, le 5 avril. Des centaines d'ouvriers avaient alors manifesté en bloquant un pont, pour réclamer le paiement par le patron de la totalité des cotisations sociales dues. Devant sa réponse dilatoire, le mouvement est reparti le 14 avril où, cette fois, des milliers de manifestants se sont retrouvés derrière une banderole proclamant : « Payez les cotisations sociales et le fonds de subvention au logement ! Honte aux activités illégales de Yue Yuen ! »
Selon des représentants des grévistes, plus de 30 000 ouvriers et ouvrières ont ce jour-là cessé le travail, le nombre augmentant encore le lendemain avec des grévistes de cinq autres sites sur les dix possédés par Yue Yuen. « L'usine nous a trompés pendant dix ans », disait une ouvrière, faisant allusion aux cotisations non versées par le patron, mais aussi aux contrats de travail « temporaires » qui leur ont été imposés, ainsi qu'aux bas salaires. Pourtant un peu augmentés depuis la grève de 2011, les travailleurs de Yue Yuen touchent 1 500 yuans par mois (180 euros) pour six jours hebdomadaires de travail. Un entrepreneur chinois estime d'ailleurs à plus d'un milliard de yuans (120 millions d'euros) ce que Yue Yuen a volé à ses salariés depuis des années.
La holding taïwanaise, qui se vante sur Internet d'être le premier fournisseur mondial des marques de chaussures, avec plus de trois millions de paires vendues en 2013, a fait suer dans le même temps 435 millions de dollars de profit à ses ouvriers chinois, mais aussi indonésiens et vietnamiens -- encore moins rémunérés. Cela, sans parler des profits des marques donneuses d'ordres, comme Nike, à qui certains ouvriers se sont adressés par mail dans l'espoir qu'il fasse pression sur Yue Yuen. Un forum ouvrier en ligne ayant été clos par les autorités, plusieurs autres ont été ouverts et très suivis.
La tromperie sur les cotisations sociales amputées semble n'être pas nouvelle, et le groupe taïwanais semble n'être pas le seul à la pratiquer depuis des années. Mais de nombreux travailleurs ex-migrants, devant la baisse du pouvoir d'achat, les menaces latentes de délocalisation, craignent pour leur avenir et celui de leurs enfants. Les mouvements de grève ont d'ailleurs augmenté de 30 % en un an. La colère est visible sur certains reportages et, malgré les 2 000 policiers mobilisés avec matériel antiémeute et chiens, la mobilisation continue, les grévistes occupant les parkings, assis sur des chaises en plastique pour discuter, grignoter et boire le thé.
La direction évoque une réponse proche. Les grévistes, dont certains exigent aussi le droit d'élire leurs propres représentants ouvriers dans des syndicats indépendants, semblent ne pas vouloir faire preuve d'une longue patience.