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- Lutte ouvrière n°2206
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Espagne : La mort de Camacho, ex-dirigeant des Commissions Ouvrières et du PCE
Marcelino Camacho, leader historique du syndicat majoritaire espagnol Commissions Ouvrières (CCOO) et membre du Parti Communiste d'Espagne, est mort le 29 octobre à l'âge de 92 ans. À la chapelle ardente, installée au siège de CCOO, sont venus lui rendre hommage des centaines de travailleurs, militants syndicalistes ou de gauche, mais aussi les représentants du gouvernement, de la plupart des formations politiques et syndicales - ouvrières et patronales - du pays, et même le prince Felipe, le fils du roi d'Espagne.
Tous l'ont présenté comme un militant pour la liberté, certains saluant en lui le syndicaliste qui, sous la dictature de Franco, a contribué à créer le premier syndicat ouvrier de l'Espagne d'alors. Mais ils ont aussi et surtout rendu hommage à l'homme « ouvert, ferme, cohérent et défenseur d'un syndicalisme de pression-négociation ».
UN SYNDICAT CREE DE HAUTE LUTTE SOUS LE FRANQUISME...
Camacho, fils de cheminot, avait 17 ans quand il adhéra au Parti Communiste en 1935. Il combattit contre Franco, et, comme des milliers d'autres, dut subir la répression franquiste : prison, camps d'internement, travaux forcés et exil. De retour en Espagne en 1957, ouvrier à Madrid, il organise clandestinement les travailleurs, leur demandant d'entrer dans les syndicats franquistes, choix qui a permis de couvrir l'activité des militants. C'était en 1964. Camacho est de nouveau arrêté et emprisonné en 1967, mais cela n'empêche pas CCOO de continuer à se développer.
À la mort de Franco en novembre 1975, CCOO, qui s'était construit au prix du sacrifice de centaines de militants, était toujours clandestin, mais il organisait des milliers de travailleurs, et les plus combatifs.
...MAIS RESPONSABLE DEVANT LA BOURGEOISIE
Et ce sont effectivement des milliers de travailleurs qui, dans la période d'effervescence politique qui a suivi la mort du dictateur, se sont mobilisés et rejoignaient les syndicats encore clandestins, en particulier CCOO. En 1976 les grèves se multiplient un peu partout.
Mais le syndicat, lié au PCE, voulait être reconnu et légalisé et ses dirigeants agirent pour ne pas étendre et unifier le mouvement. Le parti de Carrillo et de Camacho montrait qu'il était une force sur laquelle il fallait compter, mais montrait aussi par-là qu'il pouvait être un rempart efficace contre les mouvements sociaux.
La « transition démocratique » achevait de se mettre en place. La bourgeoisie passait sans la moindre difficulté du franquisme à un régime démocratique. À quelques mois des premières élections, le PCE acceptait et la monarchie et le drapeau « national » (franquiste, et non républicain). Il promettait même d'éviter tout conflit social en échange de sa légalisation, ce qu'il concrétisa en octobre 1977 par la signature des accords de la Moncloa, qui imposaient des sacrifices aux travailleurs. Si les syndicats n'eurent pas à les signer, Camacho (au Comité central du parti et depuis peu député) s'en fit le défenseur.
Le PCE pensait à cette époque devenir un grand parti de gouvernement. Mais ce rôle échut au Parti Socialiste (PSOE) et le PCE vit ses scores électoraux s'effriter. Après plusieurs scissions, son rôle devint de plus en plus marginal. Malgré les attaques du gouvernement socialiste contre le monde du travail, il fallut attendre 1985 pour que la centrale de Camacho appelle à la grève générale, la première depuis la mise en place du nouveau régime, et contre un gouvernement socialiste. Cette grève fut un succès mais elle resta sans lendemain.
Deux ans plus tard, Camacho était écarté de la direction de CCOO par Antonio Gutierrez, qui avait quitté le PC et prônait « l'indépendance syndicale ». Depuis, l'orientation « paix sociale » ne fait même plus l'objet de discussions.
Depuis une vingtaine d'années Marcelino Camacho s'était mis en retrait. Il critiquait parfois les actuels dirigeants de CCOO pour leur manque d'audace et leur docilité. Et il garde ainsi l'image dans le monde ouvrier d'un dirigeant plus combatif que ses successeurs.
Mais on ne peut pas oublier que ce sont des dirigeants syndicaux et politiques du PCE qui ont offert à la bourgeoisie espagnole une paix sociale qui a permis aux grands groupes capitalistes et aux banquiers de continuer à s'enrichir aux dépens du monde du travail