La prise de conscience de notre force : Une garantie pour l'avenir10/11/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/11/une-2206.gif.445x577_q85_box-0%2C8%2C173%2C232_crop_detail.png

Editorial

La prise de conscience de notre force : Une garantie pour l'avenir

Après les manifestations de samedi 6 novembre contre la nouvelle loi sur la retraite, le ministère de l'Intérieur s'est réjoui de ce que la participation y avait été « en très forte baisse ». La belle affaire ! Après deux mois de mouvement, personne ne s'attendait à ce que cette huitième journée mobilise plus que les manifestations précédentes.

Mais il reste ce que le gouvernement comme les commentateurs n'ont pas vu, parce qu'ils ne voulaient pas le voir. Bien que la loi ait déjà été votée par une majorité de députés et de sénateurs à la botte du pouvoir, des centaines de milliers de travailleurs ont tenu à descendre dans la rue pour dire que cette loi, votée ou pas, ils n'en veulent pas.

Ils ont voulu montrer que la protestation ne s'arrête pas. Une protestation dont les motivations dépassent le recul de l'âge de départ à la retraite. Car tous les travailleurs savent ou pressentent que la loi sur la retraite, la dernière en date des attaques contre les conditions d'existence des travailleurs, sera suivie par beaucoup d'autres.

La crise économique est toujours là. La classe capitaliste, qui régente la vie économique, sait qu'elle ne peut continuer à s'enrichir qu'en aggravant l'exploitation. Cela signifie bloquer, voire réduire les salaires, accélérer le rythme du travail, rendre les emplois plus flexibles, restructurer pour faire faire plus de travail par moins d'ouvriers. Le mot anodin de « compétitivité » signifie tout cela à la fois.

De son côté, le gouvernement continuera à faire des économies sur tous les postes de dépense des caisses publiques qui ne vont pas directement ou indirectement dans les coffres-forts du grand patronat. Il lui faut rembourser les dettes colossales que l'État a faites pour arroser d'argent les banquiers, pour aider les grandes entreprises comme celles de l'automobile à sortir d'une mauvaise passe, afin que leurs actionnaires ne subissent pas le moindre dommage à cause de la mévente des voitures.

Le gouvernement continuera à taper dans toutes les caisses qu'il a à sa disposition. Il tape dans le budget de l'État, quitte à affaiblir toujours plus les services publics indispensables à la population. Il continuera à taper dans les caisses de la Sécurité sociale par le biais de toutes les réductions de charges accordées aux patrons. C'est aux malades des classes populaires qu'on fera payer ces réductions de charges sociales, en diminuant les remboursements et en augmentant les cotisations.

Et tout laisse penser que, derrière la réforme de la fiscalité qu'on nous annonce, il y aura une grosse entourloupe. On peut parier que les victimes désignées ne seront ni madame Bettencourt ni le numéro deux du trust de luxe LVMH, qui vient d'empocher 18 millions d'euros grâce à la vente judicieuse de ses stock-options. 1 400 ans de salaire d'un smicard en une seule journée !

Il faut les empêcher de nuire.

Voilà pourquoi il est important que, grâce au mouvement, les travailleurs aient relevé la tête ! Cela n'a pas suffi à faire reculer Sarkozy ? Mais cela a constitué une prise de conscience pour un grand nombre de travailleurs. La prise de conscience qu'il faut réagir. La prise de conscience que tous les travailleurs sont dans le même bateau et que c'est ensemble que nous pouvons et devons nous défendre. La prise de conscience de la force des travailleurs. Cette force s'est manifestée pendant le mouvement surtout dans la rue. Les grèves se sont limitées, pour cette fois encore, à quelques secteurs comme les raffineries de pétrole et la SNCF. Mais leur exemple laisse entrevoir la puissance qu'aura la grève entraînant la grande majorité des travailleurs.

Alors, à côté de tout cela, les dissensions entre les centrales syndicales qui commencent à se faire jour n'ont pas une grande importance. Les centrales syndicales, par leurs appels successifs à manifester, ont permis que le mouvement ait lieu. Les militants syndicaux et les travailleurs conscients ont fait le travail pour que le mouvement se développe.

Mais, les vannes une fois ouvertes par les centrales syndicales, c'est l'afflux de travailleurs, du privé comme du public, de petites entreprises, de chômeurs, de retraités, qui a fait le succès du mouvement. Avec la sympathie de l'ensemble du monde du travail.

Alors, si le gouvernement n'ose pas trop triompher, c'est qu'il sait qu'une fois que les travailleurs ont relevé la tête, ils vont la garder levée. Et c'est par là que le rapport de forces commence à changer.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 8 novembre

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