Le 9 novembre 1970 mourait de Gaulle : Un général réactionnaire, une Ve République à son image10/11/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/11/une-2206.gif.445x577_q85_box-0%2C8%2C173%2C232_crop_detail.png

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Le 9 novembre 1970 mourait de Gaulle : Un général réactionnaire, une Ve République à son image

Quarante ans après sa mort le 9 novembre 1970, bon nombre de politiciens, de droite surtout mais également de gauche, continuent à se revendiquer de l'héritage de de Gaulle en y puisant ce qui leur convient, qui son autoritarisme, qui son nationalisme, qui même un prétendu caractère social de sa politique. En fait, ce que tous vantent c'est la réussite de sa politique, que beaucoup auraient espérée pour eux-mêmes.

Le mythe du gaullisme prit sa source durant la Deuxième Guerre mondiale. Jusque-là, de Gaulle n'était qu'un obscur colonel partageant avec Pétain, son supérieur hiérarchique, les mêmes idées réactionnaires. Lors de l'annonce par Pétain de la capitulation du gouvernement français face à l'Allemagne, de Gaulle, nommé quelques jours plus tôt général de brigade à titre temporaire et sous-secrétaire d'État à la Guerre, se trouvait en mission à Londres. Refusant de rentrer, il lança le 18 juin son fameux appel via la BBC, déclarant que « la flamme de la résistance ne s'éteindra pas ». Ce faisant, il ne faisait que se positionner pour défendre les intérêts de la bourgeoisie française, mais en choisissant le camp des Anglo-Américains, s'opposant au choix de Pétain.

Au début, cet appel eut peu d'écho. Mais de Gaulle parvint à s'imposer comme le chef de la Résistance intérieure, grâce au ralliement des principales forces politiques, notamment de la SFIO et du Parti Communiste, au sein du Conseil National de la Résistance.

À la Libération, de Gaulle devint logiquement le président du Gouvernement provisoire. La tâche de son gouvernement était de « redresser la France », ce qui voulait dire pour lui : redonner des assises solides à la bourgeoisie. Il ne put y parvenir que grâce à l'appui des partis de gauche et en premier lieu du Parti Communiste, qui participait pour la première fois à un gouvernement bourgeois.

De Gaulle resta au pouvoir jusqu'en 1946, date à laquelle, en désaccord avec l'Assemblée sur sa conception de l'État, le rôle des partis et la question des crédits militaires, il démissionna. Commença alors pour lui une « traversée du désert », qui dura jusqu'en 1958. Dans un premier temps, il créa le Rassemblement du peuple français (RPF), un parti d'extrême droite. Dans le contexte de la Guerre froide et grâce à la popularité de de Gaulle, le RPF connut un certain succès : il obtint quatre millions de voix aux élections de 1951 et 117 députés. Mais, affaibli par les défections successives de plusieurs dizaines de ses élus, le RPF fut mis en sommeil en 1955.

Retiré dans sa résidence de Colombey-les-deux Églises, de Gaulle dut attendre jusqu'en 1958 pour revenir au pouvoir. La bourgeoisie était alors confrontée à deux problèmes : celui des institutions et de l'instabilité gouvernementale, et celui de l'Algérie.

LA QUESTION DES INSTITUTIONS

L'instabilité politique de la IVe République était proverbiale. Pour la pallier, deux solutions étaient possibles : une réforme de la Constitution, rendant le gouvernement plus indépendant de la Chambre, et une modification de la loi électorale qui diminuerait la représentation du PCF. Aucun des partis du centre et de la droite n'était capable de les mettre en oeuvre, si bien qu'entre janvier 1947 et janvier 1959 vingt et un gouvernements se succédèrent, certains ne durant que quelques jours.

Au problème institutionnel s'ajoutait depuis 1954 le problème algérien. Échaudée par sa défaite en Indochine, la bourgeoisie française savait qu'elle ne pouvait pas gagner la guerre d'Algérie et qu'elle devrait tôt ou tard concéder l'indépendance. Mais aucun gouvernement n'osait imposer cette solution, ni même faire état d'une volonté de discussion avec le FLN algérien.

Dans ce contexte, le recours à de Gaulle fut envisagé par bon nombre d'hommes politiques de droite. L'occasion de jouer les sauveurs lui fut fournie le 13 mai 1958. À Alger, avec la complicité de l'armée, les partisans de « l'Algérie française » s'emparèrent du Gouvernement général et constituèrent un Comité de salut public présidé par le général Massu, un gaulliste de longue date. Deux jours plus tard, ce dernier supplia « le général de Gaulle de bien vouloir rompre le silence en vue de la constitution d'un gouvernement de salut public ». Le général Salan, qui venait d'être investi de tous les pouvoirs civils et militaires, lança un « Vive de Gaulle ! » devant une foule d'Européens rassemblée à Alger.

En France, de Gaulle apparaissait non pas comme le sauveur de l'Algérie française mais comme le seul homme pouvant empêcher un coup de force de l'armée. Après quinze jours de crise, il vit se rallier à lui la quasi-totalité des hommes et des formations politiques françaises, Parti Socialiste compris.

Parvenu au pouvoir comme président du Conseil de la IVe République, le 1er juin 1958, de Gaulle se présenta devant l'Assemblée qui lui vota sa confiance, puis lui accorda les pleins pouvoirs pour six mois, ainsi que la possibilité de modifier la Constitution. Cette nouvelle Constitution, fondement de la Ve République, fut adoptée par référendum avec une écrasante majorité (79 % des suffrages). Parallèlement, la nouvelle loi électorale permit de réduire la représentation parlementaire du PCF. Avec 19 % des voix, il n'eut que dix députés aux élections de 1958.

Ainsi, c'est en se servant de la menace représentée par le coup de force des ultras d'Alger que ce général réactionnaire put imposer en France un projet politique qui était le sien depuis longtemps : une Constitution plus autoritaire, rendant le gouvernement plus indépendant de la Chambre et, au-delà, de l'opinion.

DE L'ALGERIE FRANÇAISE A L'INDEPENDANCE

En Algérie, tout en intensifiant la répression militaire, de Gaulle s'orienta vers une solution qui devait conduire à l'indépendance. En septembre 1959, il s'affirma en faveur de « l'autodétermination » de l'Algérie, ce qui lui attira l'hostilité des colons et de l'armée, marquée par la journée des barricades à Alger en 1960, le putsch des généraux en 1961 et le développement du terrorisme de l'OAS à partir de cette date. Contre l'extrême droite, de Gaulle s'appuya ouvertement sur les organisations de la classe ouvrière française, en particulier le PCF et la CGT, comme lors de la grève nationale d'un quart d'heure payée par beaucoup d'entreprises lors du putsch des généraux.

Les accords d'Evian conclus avec les dirigeants du FLN aboutirent à l'indépendance de l'Algérie en juillet 1962. Là encore, de Gaulle eut recours au référendum et fit plébisciter sa politique par 90 % des votants.

Quelques mois plus tard, il fit adopter une loi qui lui était chère, celle instaurant l'élection du président de la République au suffrage universel. Ainsi de Gaulle cherchait à institutionnaliser son rôle d'homme au-dessus des partis, de Bonaparte jouant de son prestige pour imposer ses solutions aux problèmes de l'heure.

Pourtant, avec la fin de la guerre d'Algérie, les antagonismes politiques et sociaux sur lesquels de Gaulle s'était appuyé disparurent d'autant plus rapidement qu'une conjoncture économique favorable permit aux centaines de milliers de « rapatriés » de s'insérer dans la société métropolitaine.

Le régime de type bonapartiste que de Gaulle avait instauré perdura jusqu'en Mai 68. Si la droite unanime lui accorda ses suffrages en juin 1968, la bourgeoisie ne lui pardonna pas de n'avoir pas su éviter les troubles sociaux.

L'usure du régime fut confirmée lors du référendum d'avril 1969, sur la création des régions et la réforme du Sénat. Mis en minorité avec seulement 46,7 % de oui, de Gaulle en tira les conclusions dès le lendemain en se retirant de la vie politique.

Il reste aujourd'hui de la période gaulliste un héritage institutionnel qui permet d'assurer une relative stabilité gouvernementale. Mais autant de Gaulle avait forcé les partis de droite à se regrouper dans un parti unique, autant ses successeurs sont obligés de jouer un jeu d'équilibre entre les forces de droite, qui s'opposent parfois âprement. Tout en continuant à remercier de Gaulle, fondateur de la Ve République, de les avoir dotés d'une Constitution leur laissant en grande partie les mains libres.

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