Turquie : La « Nouvelle Constitution » et la préparation du référendum du 12 septembre10/09/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/09/une2197.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : La « Nouvelle Constitution » et la préparation du référendum du 12 septembre

Le parti gouvernemental AKP, qualifié d'islamiste modéré, au pouvoir en Turquie depuis 2002, voudrait bien redorer son blason qui commence à se ternir, notamment en vue des élections générales qui auront lieu en 2011. Pour cela il voudrait se faire plébisciter le 12 septembre, au cours d'un référendum sur la « Nouvelle Constitution ».

La Constitution proposée est présentée comme une opération de démocratisation, remettant en question la Constitution de 1982 instituée par les généraux à la suite du coup d'État militaire du 12 septembre 1980. Mais en fait il ne s'agit que de quelques changements de détail, alors que 34 des articles de cette Constitution ont déjà subi une importante modification en 2001 en vue d'intégrer l'Europe. Et depuis qu'il est au pouvoir, l'AKP a déjà apporté d'autres modifications sans se donner la peine d'organiser un référendum : depuis la première en 2004, il en est à sa dixième... sans pour autant d'ailleurs que cette Constitution autoritaire ait changé fondamentalement.

De son côté le principal parti d'opposition, le CHP social-démocrate, mène une campagne pour le vote Non au référendum, de même que le MHP, parti d'extrême droite, défendant en fait l'oeuvre constitutionnelle de la dictature militaire. Quant au parti kurde, le BDP, qui avait déclaré au départ qu'il allait faire voter Oui au référendum, il a changé d'attitude et appelle au boycott en déclarant qu'il n'y a dans ces modifications rien qui concerne les Kurdes.

En effet les seules modifications constitutionnelles relèvent des règlements de comptes qui se poursuivent entre fractions de l'appareil d'État et de la bourgeoisie. L'armée et la fraction kémaliste cherchent à défendre les prérogatives qu'elles ont depuis le début de la République. Mais aujourd'hui la grande bourgeoisie turque voudrait que l'armée reste dans ses casernes et ne se mêle de politique que quand elle le lui demande. Les récentes arrestations de généraux et d'officiers supérieurs, après des enquêtes sur leurs complots, ont eu lieu dans ce contexte.

Mais de leur côté les changements démocratiques que l'AKP prétend apporter dans cette nouvelle mouture de la Constitution proposée en référendum relèvent de l'homéopathie. En particulier, la Constitution de 1982 instaurée par les généraux visait à encadrer strictement les droits des travailleurs, après la vague de luttes ouvrières qui avait précédé le coup d'État, et l'AKP n'entend en fait rien y changer. En guise de nouveauté par exemple, un article déclarerait que les travailleurs pourraient désormais adhérer au syndicat de leur choix. Cela remplirait une condition mise à l'adhésion à l'Union européenne, mais cela ne changerait rien pour les travailleurs car le système syndical, qui ne reconnaît qu'un seul syndicat représentatif par entreprise, resterait inchangé.

Quant aux fonctionnaires, même si en paroles ils auront le droit de participer aux négociations concernant les conventions collectives, il n'est toujours pas prévu qu'ils aient le droit de grève.

De même un des arguments de l'AKP pour accréditer l'idée d'une démocratisation est que, avec celle-ci, les généraux putschistes de 1980 pourraient être traduits en justice. Mais ils oublient de préciser qu'un autre article leur donne droit à la prescription...

Mais, dans la campagne pour le référendum, on voit les « islamistes modérés » se présenter en partisans de la démocratisation et les sociaux-démocrates alliés à l'extrême droite défendre les généraux et leur coup d'État d'il y a trente ans. Curieux débat, dans lequel les travailleurs ne peuvent vraiment se sentir ni d'un côté ni de l'autre. Mais il convient bien au gouvernement et aux partis d'opposition, en leur évitant d'aborder les vrais problèmes politiques et sociaux, et notamment ceux du chômage, de la vie chère, de la précarité et des conditions de travail qui voient se multiplier les accidents mortels, quasi quotidiens.

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