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Leur société
Bouclier fiscal : La pompe à finance n'aspire que dans un sens
Après le ministre du Budget Baroin, le secrétaire général de l'Élysée Guéant a évoqué un possible remaniement du bouclier fiscal. Il faut dire que cette loi commence à poser un problème à ses concepteurs. Au moment où le gouvernement sabre dans tous les budgets publics, supprime les postes de fonctionnaires par dizaines de milliers, met en oeuvre l'austérité contre les travailleurs, ce cadeau fait aux plus riches des plus riches passe de plus en plus mal.
Le bouclier fiscal, créé en 2006 par le gouvernement Villepin, limitait à 60 % des revenus l'imposition maximum des contribuables. Il fut porté à 50 %, en guise de cadeau d'avènement par Sarkozy, fraîchement élu, en juillet 2007. Il stipule donc qu'aucun contribuable ne peut payer au fisc plus de 50 % de ses revenus, sous prétexte qu'il ne serait pas normal de travailler la moitié du temps pour payer des impôts. À ceci près que les revenus visés ne proviennent généralement pas du travail de celui qui les perçoit, mais de ses placements, c'est-à-dire de l'exploitation du travail des autres.
La loi une fois votée, il s'agit d'en profiter au mieux. Tout l'art du « fiscaliste » consiste alors à minimiser les revenus de ses clients et à ne laisser échapper aucun centime effectivement payé au Trésor public. Et d'arriver à la conclusion que, lorsque vous êtes vraiment riche, c'est l'État qui vous doit de l'argent ! Ainsi le fisc a-t-il remboursé, en 2009, 30 millions d'euros à Liliane Bettencourt et, en moyenne, 330 000 euros aux mille plus gros bénéficiaires de cette loi. L'an passé, 16 350 foyers fiscaux ont utilisé le bouclier, pour un montant total de 585 millions d'euros.
Mais depuis, les cabinets d'optimisation fiscale ont travaillé à plein rendement et les remboursements pour 2010 risquent d'être encore plus élevés. Il y a en effet mille et une façons - on ne parle ici que de ce qui est légal - de dissimuler les revenus des riches. Il y a des avocats pour inventer les multiples prétextes à dégrèvement, des députés pour les mettre sous forme de texte de loi et les voter, des ministres pour les mettre en oeuvre, des gestionnaires de fortune pour les utiliser. Et le feuilleton Bettencourt est là pour démontrer à quel point tous ces gens se connaissent et se comprennent bien.
C'est certes coûteux pour le budget de l'État, mais ces gens-là considèrent qu'il est fait pour ça. Mais cela peut aussi être coûteux pour l'image de Sarkozy auprès de ces millions d'électeurs qui, bien qu'aisés, commencent peut-être à trouver que ce gouvernement favorise surtout la très mince couche des grands bourgeois. C'est à eux que Guéant s'adresse lorsqu'il affirme, contre toute évidence, que Sarkozy « n'est absolument pas un président des riches » et parle d'aménager le bouclier fiscal.
Mais il n'est pas sûr que le projet avancé par Guéant suffise à rassurer son électorat. Il n'a en effet parlé que de conditionner les remboursements d'impôts aux investissements en direction des PME, en prenant comme modèle ce qui se fait pour l'impôt sur la fortune, l'ISF. Sauf que pour les assujettis à l'ISF, investir dans une PME, ou même affirmer qu'on va le faire, est le moyen le plus simple de... diminuer son impôt. Et il se trouve que la tranche supérieure des contribuables qui profitent du bouclier fiscal, ceux qui obtiennent 99 % des 585 millions remboursés, sont justement ceux qui payent aussi l'ISF.
Pour les classes populaires tout cela peut sembler aussi lointain qu'un épisode de Dallas. Sauf que, pour voir un tel feuilleton, on ne paye que la redevance, alors que les diminutions d'impôts des riches, la population les paye de ses conditions de vie.