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Belgique : Des surenchères nationalistes qui affaiblissent les travailleurs
Depuis le 14 juin dernier, suite aux élections législatives, les partis politiques belges sont en négociation pour la formation d'un gouvernement fédéral. C'est pourtant encore loin d'être la plus longue crise institutionnelle qu'ait connue la Belgique.
Les négociations sont très âpres, car elles engagent de profondes réformes institutionnelles qui vont donner encore plus d'autonomie financière aux trois régions, Flandre, Wallonie et Bruxelles. Mais est aussi négociée la répartition d'au moins 25 milliards d'euros d'économies pour renflouer les caisses de l'État, vidées par le soutien aux banques et aux grandes entreprises depuis la crise de fin 2008.
Les deux principaux négociateurs sont Bart De Wever et Elio Di Rupo. L'un dirige la NV-A (Nouvelle alliance flamande), arrivée en tête des élections en Flandre avec plus de 28 % des voix, et l'autre préside le Parti Socialiste, le parti le plus important électoralement de Wallonie, avec plus de 36 % des voix.
La NV-A est un parti populiste et nationaliste, fortement appuyé par le patronat flamand. Et dans cette région devenue la plus riche de Belgique depuis les années 1960, ce patronat compte bien profiter des circonstances pour obtenir le maximum d'avantages, notamment en diminutions d'impôts et de charges sociales, en assouplissement des lois sociales, en subventions régionales, etc.
Quant au Parti Socialiste, il n'a conservé de socialiste que le nom. Mais il doit quand même conserver son électorat, alors qu'il se prépare à imposer de lourdes mesures d'austérité, dans une région déjà fortement minée par le chômage.
Tous les enjeux économiques font monter les enchères. Paradoxalement, alors que le programme de la NV-A propose la « disparition » de la Belgique, dont les régions doivent à terme devenir des régions européennes, De Wever affirme que la scission de la Belgique n'est pas du tout à l'ordre du jour... Ce sont des ténors du PS qui ont entonné les trompettes séparatistes, largement amplifiées par les médias francophones, puis la presse française, comme le journal Le Figaro annonçant que, « après l'échec des négociations entre Flamands et francophones, les politiques wallons évoquent pour la première fois une éventuelle scission ».
En réalité, les dirigeants du PS veulent tout simplement faire monter la pression sur ceux de la NV-A, comme ces derniers ont pu le faire au mois d'août en faisant semblant de rompre les négociations. Mais, à ce jeu sur les divisions communautaires, ils préparent des lendemains bien douloureux pour la population.
Ce sont déjà les dirigeants du PS qui, dans les années 1960, furent à l'origine de la régionalisation des pouvoirs entre Flandre et Wallonie, et de la scission des partis politiques qui en a résulté. Ils voulaient disposer de la liberté de subventionner à leur guise les patrons wallons censés maintenir les emplois dans la sidérurgie wallonne... ce qu'ils n'ont pas fait, bien sûr. Mais en évoquant l'éventualité de la scission du pays, les dirigeants du PS ne font que renforcer les nationalistes flamands et, la crise économique aidant, d'autres nationalistes plus radicaux pourraient prendre la place de De Wever et tromper une partie plus importante de la population, y compris dans la classe ouvrière.
Pourtant tous les travailleurs, de Wallonie, de Bruxelles comme de Flandre, sont perdants avec la montée des nationalismes, même si l'on n'en arrive pas à la scission du pays. Déjà depuis les années 1980, les partis justifient les mesures d'austérité imposées à la population - au nord comme au sud du pays - par des raisons communautaires, alors que c'est le transfert d'une partie toujours plus grande de la richesse produite vers le patronat et les gros actionnaires qui entraîne la quasi-stagnation des salaires, la régression de toutes les aides sociales et la dégradation des services publics.
Alors, c'est pour les luttes à venir, tandis que la crise s'accentue, qu'il faudra que les travailleurs wallons et flamands défendent leurs intérêts communs face à un patronat de plus en plus arrogant, sans se laisser affaiblir par le nationalisme sur lequel jouent les politiciens.