France Inter, ou la voix de son maître ?01/07/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/07/une2187.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

France Inter, ou la voix de son maître ?

Ça va être dur, le matin sur France Inter, pour ceux que faisaient rire les chroniques des humoristes Didier Porte et Stéphane Guillon. Surtout si l'auditeur avait interprété littéralement le slogan publicitaire de la radio publique, « Écoutez la différence », comme un engagement de la station à une certaine qualité d'informations, d'entretiens, de reportages, et, cela va sans dire... de liberté d'expression.

La « différence » entre le « service public » et les chaînes privées est plutôt mince. Les chaînes publiques sont sous la tutelle d'un pouvoir d'État, les chaînes privées aux mains de groupes financiers qui peuvent tolérer une dose plus ou moins grande d'impertinence, mais qui veillent à ce que leurs ténors de l'information et leurs économistes soient de bons défenseurs du système capitaliste.

Exit donc les humoristes Porte et Guillon. Le PDG de Radio France, Jean-Luc Hees, et le directeur de France Inter nommé par celui-ci, Philippe Val, ont fait le ménage en censurant la petite dose d'impertinence qui se veut la « patte » de la station et qui, en ces temps de scandales à répétition, était considérée comme intolérable par ceux qui ont nommé tout ce monde-là, à l'Élysée .

C'est une banalité de faire remarquer que les chaînes publiques de télévision et de radio sont toujours plus ou moins étroitement sous la coupe du pouvoir politique, ce qui ne les empêche pas d'être sensibles aux réactions des annonceurs, pourvoyeurs de rentrées budgétaires, souvent liés aux premiers. Et tout cela rend leur « indépendance » bien fragile...

Les deux patrons et même l'ancien journaliste anarchisant qu'était Philippe Val, renouent ainsi avec cette vieille tradition qui bâillonnait les propos, dès lors qu'ils étaient considérés comme trop contestataires et trop dérangeants.

L'évolution voulue par le pouvoir semble bien dans ce sens puisque, au-delà des deux humoristes licenciés, six émissions ont aussi été supprimées, sans même qu'une explication soit fournie au public. Parmi les disparues, diffusées à des heures de grande écoute, on compte « Esprit critique », une émission de critique littéraire, et « Et pourtant elle tourne », une chronique internationale quotidienne.

Dans une lettre ouverte aux auditeurs, adressée à ceux-ci le 24 juin, les journalistes et producteurs de France Inter, se faisant les porte-parole de tout le personnel, s'inquiètent à juste titre, quoique un peu naïvement, quant à la garantie de leur indépendance. À son tour, l'intersyndicale du personnel « refuse la mainmise du pouvoir sur les antennes de la radio publique » et appelle à manifester jeudi 1er juillet à 18 h devant la Maison de la Radio à Paris. Nombre d'entre eux étaient d'ailleurs en grève le 24 juin dernier, contre le projet du gouvernement sur les retraites, la radio ne diffusant sur les ondes que de la musique enregistrée. Là au moins, Val et Hees n'eurent pas à craindre la phrase assassine qui les eût fait gronder par leur maître.

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