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Editorial
Les empêcher de nuire
L'actualité n'a pas tardé à démentir les ministres qui nous répètent que la crise financière est américaine et qu'en Europe, les banques résisteront à la tempête financière. Fortis, une des plus grandes banques de Belgique et des Pays-Bas, ainsi qu'une grande banque britannique n'ont été sauvées de la faillite que par l'intervention massive de leurs États respectifs. Les banques françaises commencent à suivre : Dexia sauvée de justesse de la faillite avec l'argent public et peut-être demain, la Caisse d'Épargne.
Comment pourrait-on croire que la crise s'arrête aux limites des États-Unis ? Faut- il rappeler que la précédente grande crise, celle de 1929, catastrophique pour l'humanité, si elle était partie également des États-Unis, n'avait pas tardé à submerger l'Europe. Les faillites de banques, les fermetures d'usines, l'explosion du chômage, les soupes populaires, c'était aux États-Unis mais c'était aussi en Europe et parfois, comme en Allemagne, pire encore qu'en Amérique. Et on connaît la suite : pour sauver son système et pour briser la classe ouvrière, en Allemagne, la bourgeoisie avait installé Hitler au pouvoir avant d'entraîner le monde entier dans la guerre.
Personne ne sait jusqu'où ira la crise actuelle, et surtout pas les maîtres de l'économie et les dirigeants des États.
Nous n'avons pas d'illusions à nous faire sur deux choses au moins. D'abord sur le fait que la crise est grave et qu'aucun pays ne sera épargné. Ensuite que c'est aux travailleurs que la classe capitaliste, ses banquiers, ses grands patrons, ses financiers, ses spéculateurs, et leurs serviteurs politiques voudront faire payer la crise si nous les laissons faire.
Ils ont déjà commencé. Aux États-Unis, les deux candidats qui se disputent la prochaine présidence ont apporté, toutes divergences oubliées, leur soutien au plan du gouvernement Bush de déverser 700 milliards de dollars aux financiers. Ils ont tous deux accepté que toute la population paye pour les financiers spéculateurs. Et devant la chute des Bourses du monde entier après un premier vote de refus du Congrès américain, les deux candidats se relayent avec Bush pour convaincre les élus récalcitrants. Ils menacent d'une catastrophe imminente pour l'économie mondiale si ces messieurs les banquiers n'étaient pas remboursés de leurs pertes.
De leur côté, les banques centrales d'Europe tiennent guichet ouvert pour les banques privées en mal de liquidités et les États volent au secours des plus menacées à coups de milliards. Avec quel argent ? Avec le nôtre, forcément ! C'est à nous qu'ils présenteront en tout cas la note : sous forme soit d'impôts supplémentaires, soit d'une inflation accélérée, soit en prenant l'argent sur toutes les dépenses publiques utiles à la population, Et, vraisemblablement, tout cela ensemble.
D'ores et déjà, la crise n'est pas seulement financière. Elle frappe aussi la production, entraînant des licenciements et du chômage technique. Même les statistiques officielles, faites pourtant pour dissimuler l'ampleur du chômage, viennent d'en constater la hausse brutale. Ceux qui travaillent dans le bâtiment, dans l'immobilier, dans l'automobile et chez ses sous-traitants, n'ont pas besoin de statistiques pour sentir la menace sur leur emploi. Et c'est la spirale infernale de l'économie capitaliste en crise : plus on licencie, plus le chômage augmente, moins il y a de consommateurs et plus la crise s'aggrave. Et même cela est une aubaine pour les plus gros requins du capitalisme qui ont là une occasion de racheter, pour une bouchée de pain, leurs concurrents éclopés.
Devant la gravité de la crise, le Premier ministre Fillon en appelle à « l'unité nationale ». Quand l'économie va bien, la classe capitaliste encaisse seule les bénéfices. Quand cela va mal, elle voudrait que ceux qu'elle exploite lui viennent en aide ! Leur « unité nationale », c'est de faire payer les victimes pour venir au secours des coupables !
Les travailleurs n'ont aucune solidarité à avoir vis-à-vis de ces groupes industriels et financiers qui les exploitent et qui conduisent l'économie à la catastrophe. La question décisive pour l'avenir est, au contraire, comment défendre notre emploi et notre pouvoir d'achat contre la rapacité du patronat.
Sarkozy, ce « porteur d'eau » des riches, a expliqué doctement la semaine dernière que, s'il y a de mauvais capitalistes, le capitalisme, lui, est bon. Le capitaine du Titanic n'aurait pas osé chanter les qualités du bateau au moment où il s'enfonçait dans les flots !
Une organisation économique qui, pour enrichir une petite minorité, ruine l'existence de la majorité, est appelée à disparaître. OEuvrer à cela a fait partie des meilleures traditions du mouvement ouvrier. Il les retrouvera et c'est la seule chose de bien qui puisse sortir de la faillite patente du capitalisme.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 29 septembre