Allemagne : Une progression de l’extrême droite alimentée par la politique des partis «démocratiques»21/09/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/09/une1990.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : Une progression de l’extrême droite alimentée par la politique des partis «démocratiques»

Les élections régionales qui ont eu lieu le 17 septembre dans deux Länder de l'est de l'Allemagne, ainsi que les élections municipales de Berlin, constituaient le premier scrutin significatif un an après les législatives qui avaient conduit à la formation d'un gouvernement de «grande coalition» entre la CDU-CSU (droite) et le SPD (Parti Social-Démocrate). Il a été marqué par une progression importante de l'abstention, mais aussi par une progression sensible de l'extrême droite.

En Mecklembourg-Poméranie occidentale, ce sont les deux partis associés au sein du gouvernement central qui sont en recul. Le SPD est passé de 40,6% à 30,2% des voix, tandis que le PDS-La Gauche (héritier de l'ancien parti communiste de l'Allemagne de l'Est) restait stable. La CDU de la chancelière Angela Merkel, élue de ce Land, a reculé pour sa part de 2,6%. Le NPD, formation d'extrême droite, qui n'avait obtenu que 0,8% des voix aux dernières élections, en a cette fois-ci recueilli 7,3% et a six élus.

La physionomie des élections qui se sont déroulées à Berlin est quelque peu différente. Le SPD y a progressé d'un point. Mais le PDS, qui jusqu'à présent avait capitalisé sur ses candidats un certain mécontentement populaire, est passé de 22,6% à 13,4% des voix. C'est lui qui paie le prix de la politique antiouvrière menée par la SPD-PDS qui gouverne la municipalité de Berlin. Celle-ci fait payer chèrement à la population le lourd endettement de la ville, hérité de la municipalité CDU précédente, en effectuant des coupes claires dans tous les services publics. En pleine campagne électorale ont ainsi été confirmées la suppression de 1600 postes à la Charité, le grand hôpital de la ville, et la privatisation de centaines de logements sociaux.

Le NPD n'a pas obtenu à Berlin des résultats aussi spectaculaires qu'au Mecklembourg. Il y a mené une campagne particulièrement agressive (faisant des interventions musclées dans les réunions publiques des autres candidats et agressant des militants isolés, dont un colleur d'affiches du SPD qui a été gravement blessé), mais n'a recueilli que 2,6% des voix, suffisamment tout de même pour être présent dans quatre des douze Conseils d'arrondissements de la capitale.

Ces succès du NPD viennent après sa percée aux élection de Saxe-Anhalt, où il avait recueilli 9,2% des suffrages en 2004, et celle de la DVU, un autre parti d'extrême droite, qui avait atteint 6,3% dans le Brandebourg la même année.

Fondé en 1964 par d'anciens responsables du Parti National-Socialiste de Hitler, le NPD n'est pas un parti nouveau. Il est longtemps resté marginal et, malgré ces succès électoraux récents, il est aujourd'hui loin d'être une organisation de masse. Mais, depuis plusieurs années, son influence politique n'a cessé de croître sur fond de misère sociale persistante, en particulier à l'Est où, après la réunification, les privatisations accompagnées de licenciements et de fermetures d'entreprise ont jeté sur le carreau des centaines de milliers de travailleurs. Mais ce phénomène touche aussi, quoique de façon moins importante, l'Allemagne de l'Ouest: lors des élections municipales de Basse-Saxe du 10 septembre, le nombre d'élus du NPD est passé de 3 à 24. Cette progression s'alimente du manque de perspectives, tout particulièrement pour les jeunes chômeurs, désorientés et démoralisés, et aussi de l'écoeurement ressenti dans les milieux populaires vis-à-vis de la politique menée au pouvoir, au niveau fédéral ou régional, par les partis de gauche qui prétendent les représenter.

Face à une telle situation, les discussions qui ont cours régulièrement dans le monde politique sur la nécessité d'interdire ou non les groupes néonazis sont vaines. Il est illusoire de s'en remettre à l'État et à ses serviteurs pour lutter contre le fascisme. Ce n'est pas non plus en faisant de la morale, en ressassant, comme le fait toute une partie de la gauche et de l'extrême gauche, que le «fascisme n'est pas une opinion mais un crime», qu'on empêchera ceux qui sont désorientés et qui se sentent trahis par les partis qui prétendent les représenter de se tourner vers l'extrême droite.

Le souvenir de la période hitlérienne et de ses atrocités ne sera nullement suffisant pour protéger l'Allemagne d'une montée de l'extrême droite si la situation sociale continue de s'aggraver car, bien plus qu'une résurgence du passé, les succès (encore très relatifs) de l'extrême droite allemande sont un produit de la politique de régression sociale que mènent la main dans la main sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates.

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