Grande-Bretagne, congrès du TUC : Les leaders syndicaux montrent respectueusement la porte à Blair21/09/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/09/une1990.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne, congrès du TUC : Les leaders syndicaux montrent respectueusement la porte à Blair

Dès le début de septembre, la rentrée politique s'était annoncée houleuse pour Blair. Huit sous-ministres travaillistes avaient démissionné, publiant une lettre l'accusant de compromettre le vote travailliste en refusant de fixer une date pour son départ, qu'il avait pourtant annoncé dès la fin de l'année dernière. Il faut dire que les élections municipales de mai dernier, où le Parti Travailliste est arrivé en troisième position avec 26% des voix, inquiètent nombre de députés du parti.

En fait, la succession de Blair est ouverte depuis longtemps et cette tempête dans la tasse de thé parlementaire britannique en est l'une des manifestations. D'autant que le discrédit de Blair, exprimé dans les sondages qui donnent une majorité favorable à son départ, alimente les rivalités au sommet du parti.

Dans ces querelles de succession, les leaders du TUC (le Trade Union's Congress, qui regroupe les syndicats britanniques), qui comptent parmi les poids lourds de l'appareil travailliste et jouèrent d'ailleurs un rôle déterminant dans l'élection de Blair à la direction du parti en 1995, ne sont pas en reste. C'est ce que l'on a pu voir à l'occasion du discours traditionnel du leader travailliste au congrès annuel du parti, le 13 septembre.

D'ordinaire, le TUC ne tolère pas la moindre expression d'opposition et les trouble-fête sont «sortis» manu militari par le service d'ordre (une société privée, bien sûr!). Cette fois-ci, il n'en a rien été. Tandis que quelques dizaines de délégués, menés par le leader d'un syndicat de cheminots, quittaient la salle du congrès, banderole en tête, en signe de protestation, de très nombreux participants accueillaient Blair avec des panneaux l'invitant à démissionner sur-le-champ, à retirer les troupes britanniques d'Irak et d'Afghanistan, ou encore à aller se faire «soigner la tête dans le Service de Santé que tu as ruiné». Et tout au long de son discours, Blair dut subir l'affront de huées et de quolibets. De mémoire de congressiste, jamais on n'avait vu un tel «manque de respect».

Les leaders syndicaux, eux, se sont montrés plus respectueux, en se plaçant sur un terrain purement électoral. Il faut, ont-ils dit unanimement en se succédant à la tribune, que Blair annonce la date de son départ, de préférence avant les prochaines municipales de mai 2007, pour donner le temps au parti de remonter sa cote dans l'électorat.

Reste à savoir en quoi cela mettra la classe ouvrière en meilleure posture. Parmi les leaders des quatre plus grands syndicats, un seul a quand même indiqué que, bien sûr, il ne faudrait pas seulement changer la tête de gouvernement, mais aussi de politique -mais, dans quel sens, il ne l'a pas précisé.

C'est dire le caractère politicien des discours des leaders syndicaux. Car ils savent mieux que personne, puisque c'est en grande partie eux qui choisiront le successeur de Blair, que celui-ci n'aura pas une politique différente. Les principaux candidats à la succession, dont le favori, Gordon Brown, rival et ministre des Finances de Blair depuis 1997, ont tous été ministres et ont mis en oeuvre sans le moindre état d'âme les attaques de Blair contre le monde du travail. Il n'est d'ailleurs pas plus question de changer de politique, qu'il n'est question pour le TUC d'adopter une politique offensive pour défendre les intérêts de la classe ouvrière, mise à mal par Blair.

Or, à l'heure où le chômage augmente; où des dizaines de milliers de suppressions d'emplois sont en cours dans les services publics; où de grandes entreprises comme le géant de l'eau, Thames Water, ou encore celui de l'assurance, Aviva, annoncent à la fois des milliers de licenciements et des profits en hausse de plus de 25%; où patronat et gouvernement s'entendent pour réduire la retraite des salariés et leur imposer de devoir travailler jusqu'à 70 ans ou plus, la classe ouvrière a besoin d'autre chose que d'un «changement de tête» dont le seul but est d'améliorer l'image électorale du Parti Travailliste.

Il faudrait qu'elle puisse répondre à ces attaques, en imposant aux grandes entreprises et à leurs actionnaires de prendre sur les bénéfices faramineux engrangés depuis plus de vingt-cinq ans que se dégradent les conditions d'existence des travailleurs, et en imposant à l'État qu'il cesse de remplir les poches de la bourgeoisie aux dépens de la majorité de la population. Ce ne sont pas les discours anti-Blair des politiciens travaillistes cherchant à profiter de sa succession, ni ceux des dirigeants syndicaux cherchant à ce que celle-ci se fasse en douceur, qui pourront servir de substitut à une telle politique.

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