Côte-d’Ivoire : Les empoisonneurs courent toujours21/09/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/09/une1990.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Côte-d’Ivoire : Les empoisonneurs courent toujours

Le déversement de plusieurs tonnes de déchets toxiques à Abidjan, en Côte-d'Ivoire, fin août, continue de provoquer l'indignation de la population ivoirienne.

Le ministre des Transports a été battu par une foule en colère, tandis que la maison du directeur du Port autonome d'Abidjan, un proche de Laurent Gbagbo, a été pillée et incendiée. Après avoir démissionné pour donner le change, le gouvernement ivoirien s'est reformé, quelques jours plus tard, presque à l'identique. Bilan provisoire de ce véritable crime contre la population pauvre d'Abidjan: 36000 consultations dans les hôpitaux, 7000 intoxications et 7 morts malheureusement.

Le gouvernement cherche à dédramatiser la situation. La dépollution des sites a commencé et devrait durer plusieurs mois. Mais les émanations toxiques continuent de faire des victimes. Cela risque de continuer, d'autant qu'une partie de ces produits toxiques a d'ores et déjà pénétré le sol et empoisonné le réseau d'eau fluvial qui alimente la lagune, touchant ainsi des zones maraîchères. Et même si la dépollution s'avère efficace, ce qui est loin d'être prouvé, les conséquences de ce crime vont se manifester pendant des années. Et pendant ce temps, les vrais coupables courent toujours.

Complices ivoiriens...

Après avoir démissionné pour désamorcer la crise, le chef du gouvernement Konan Banny est de nouveau en place. Quelques sous-fifres ont été arrêtés, une commission d'enquête mise sur pied pour faire bonne mesure. Mais les responsables ne sont nullement inquiétés, pas plus en Côte-d'Ivoire qu'en France ou en Suisse. Pourtant, les empoisonneurs et leurs complices sont connus.

Aucun navire poubelle n'aurait pu décharger sa cargaison empoisonnée en Côte-d'Ivoire (cargaison refusée aux Pays-Bas mais aussi dans d'autres pays d'Afrique) s'il n'avait bénéficié de la complicité des membres de l'appareil d'État ivoirien... et de la corruption régnant au sein des hautes sphères gouvernementales. Les sociétés ivoiriennes impliquées dans le déchargement des déchets sont toutes des sociétés écrans, qui n'existent que pour mieux brouiller les pistes, tout comme les navires poubelles bénéficiant d'un pavillon de complaisance. Ainsi Puma Energy, la société qui aurait contacté la société ivoirienne Tommy pour procéder au déchargement des déchets à Abdijan, est une société dont l'actionnaire à 100% est la multinationale Trafigura Beheer BV, l'affréteur du navire poubelle!

... et empoisonneurs français!

Trafigura est une multinationale spécialisée dans le transport du pétrole et l'affrètement des matières premières... mais aussi des déchets toxiques! Son siège administratif est situé aux Pays-Bas, mais les véritables décisions se prennent en Suisse et ses principaux dirigeants fondateurs sont français. Ses principaux actionnaires sont tous fiscalement domiciliés dans des paradis fiscaux comme Jersey ou Malte.

Cette multinationale a des bureaux dans les plus grandes places financières de la planète. Elle réalise plus de 28 milliards de dollars de chiffre d'affaires annuel. Elle possède de nombreuses filiales en Afrique, à l'instar de Puma Energy en Côte-d'Ivoire, notamment dans les pays producteurs de pétrole comme Puma Congo. On retrouve aux postes clefs de cette dernière société... les membres du clan Sassou Nguesso, le président dictateur du Congo-Brazzaville, un ami de Chirac et fidèle serviteur des intérêts de la multinationale Total au Congo!

La multinationale Trafigura n'en est donc pas à son premier coup tordu. Elle avait déjà été impliquée dans plusieurs affaires de pots-de-vin, de détournements de barils de pétrole. Elle vient d'être condamnée, en mai dernier, à payer dix millions de dollars d'amende par la justice américaine dans l'affaire du pétrolier Essex, qui portait sur le détournement de 500000 barils de pétrole irakien en 2001.

Geler les comptes en banque d'une telle société, arrêter ses dirigeants, véritables mafieux criminels qui n'hésitent pas à empoisonner la population pour faire des profits, prendre sur les profits de ses actionnaires pour payer la dépollution et indemniser les victimes serait la moindre des choses.

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