Faux débats sur la carte scolaire : Il faut des crédits pour l’éducation!21/09/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/09/une1990.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Faux débats sur la carte scolaire : Il faut des crédits pour l’éducation!

Faut-il conserver la carte scolaire telle qu'elle existe, c'est-à-dire assigner un établissement scolaire aux enfants en fonction de leur lieu d'habitation, la réformer ou la supprimer? Sarkozy envisage de la supprimer. Ségolène Royal, qui lui a emboîté le pas dans un premier temps, a proposé ensuite de «desserrer la contrainte» de cette carte, en donnant aux parents le choix entre deux ou trois établissements pour inscrire leur enfant.

La carte scolaire avait été mise en place en 1963 (par un gouvernement gaulliste), principalement dans le but de réguler les inscriptions dans les établissements scolaires des grandes villes, à un moment où la plupart des enfants rejoignaient le collège ou le lycée. Très vite, elle est devenue un cheval de bataille entre conservateurs et réformistes. Les premiers, bien souvent aussi les partisans de l'école libre, y ont vu une atteinte intolérable à la liberté d'inscrire leurs enfants dans l'école de leur choix. Mais cette liberté que réclament les plus aisés, vivant dans de «bons» quartiers, n'a jamais été jusqu'à vouloir inscrire leurs enfants dans les collèges ou les lycées des quartiers populaires!

Un accès égalitaire à l'éducation?

Les réformistes, et plus particulièrement le PC et une majorité du PS, prônent le maintien de la carte scolaire qui serait selon eux un garant de «mixité sociale», ce mélange entre enfants issus de milieux sociaux différents. À les entendre, il suffirait de mêler au sein d'une même école les enfants issus de la bourgeoisie et ceux des classes populaires pour que, l'éducation aidant, on gomme les différences sociales et que l'on aboutisse à terme à une harmonie sociale. Cette vision d'un «idéal républicain» occulte les inégalités qui sont à la base même de cette société, comme les discours des mêmes sur «l'intérêt national» occultent le fait que la classe ouvrière et la bourgeoisie ont des intérêts antagonistes. Depuis plus de quarante ans qu'existe la carte scolaire, elle n'a rien changé au fait que la culture, les connaissances dispensées par le milieu familial autant que par les meilleurs lycées ou collèges restent l'apanage des classes aisées.

Carte scolaire ou pas, mixité sociale ou pas, l'accès à l'éducation a toujours été profondément inégalitaire. L'est-il plus aujourd'hui qu'hier? Peut-être pas toujours. Mais cette inégalité s'est sans doute renforcée dans les villes ou les quartiers les plus déshérités, là où se concentrent toutes les difficultés sociales, et la carte scolaire n'y change rien.

D'une part, les combines permettent aux plus aisés de tricher avec la carte scolaire. Cela se fait grâce à des domiciliations de complaisance, à des inscriptions aux options rares qui, comme par hasard, n'existent que dans les «bons» lycées, ou encore en recourant à l'enseignement privé. Quant aux plus riches, ils ne résident tout simplement pas dans les villes et les quartiers où se pose la question de la mixité scolaire entre les plus pauvres et les plus aisés. Et quand ils choisissent leur lieu de résidence, ils prennent en compte, entre autres choses, la proximité des établissements dont la réputation est la meilleure.

Il faut d'abord des moyens

D'autre part, les difficultés s'accentuent dans les quartiers les plus pauvres, et c'est là qu'il faudrait donc concentrer les moyens matériels et humains pour instruire et éduquer correctement les élèves. Alors, et alors seulement, les établissements scolaires cesseraient d'être ces ghettos scolaires qu'ils sont devenus. Car le fond du problème, c'est que les moyens sont dramatiquement insuffisants.

Condenser ou réduire les problèmes de l'éducation à la question de la carte scolaire, c'est oublier l'essentiel. Hypocritement, Sarkozy et Ségolène Royal n'évoquent la carte scolaire que parce qu'ils spéculent sur l'inquiétude des parents concernant l'avenir scolaire de leurs enfants. Mais au lieu d'indiquer comment ils comptent s'y prendre pour atteindre le seul objectif qui vaille: que tous les établissements scolaires puissent donner des enseignements de bonne qualité à tous les élèves, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy font assaut de démagogie, cette fois encore, sur le même terrain. Pour améliorer l'accueil de tous dans les établissements scolaires? Non, pour récupérer les voix de ceux qui ne voient que les carences de l'école publique, alors qu'il s'agit des carences des gouvernements.

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