On ne sait quelle diabolique mouche a piqué Benoît XVI quand, lors de son intervention à Ratisbonne, en Allemagne, il a choisi d'évoquer l'islam au travers de la citation d'un récit du XVesiècle relatant un dialogue entre un empereur de Constantinople et un savant persan. En revanche, cet épisode vient rappeler que ce pape partage nombre de préjugés réactionnaires que véhiculent certains des fidèles de l'Église dont il est le chef de file. Il a expliqué après coup qu'il s'agissait d'un malentendu, qu'on l'avait mal compris. Alors, ou il est «borné» au point de ne pas avoir imaginé que les propos qu'il a tenus risquaient de choquer et d'entraîner des réactions dans les pays musulmans,où réciproquement les organisations et politiciens plus ou moins intégristes ne manquent pas pour exploiter de telles déclarations. Ou il pratique le dérapage contrôlé, façon Le Pen, pour cligner de l'oeil en direction du public à qui il veut plaire. Mais être réactionnaire, pour un pape, cela fait partie en quelque sorte de la vocation. L'empereur byzantin cité par Benoît XVI s'adressait en ces termes à son interlocuteur: «Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau. Tu ne trouveras que des choses mauvaises et inhumaines, comme le droit de défendre par l'épée la foi qu'il prêchait.» Les musulmans étaient donc accusés, au travers de ce texte, d'avoir répandu leur foi par l'épée; à la différence des chrétiens qui doivent, eux, a dit le pape, s'appuyer sur la seule raison pour défendre leur croyance et convertir!

Ce pape, moins benoît qu'il n'y paraît, a la mémoire un peu courte. Des Croisades à l'Inquisition, du massacre des Indiens d'Amérique à l'esclavage des Noirs qu'elle a couverts, l'Église en connaît un rayon en matière de crimes commis sous prétexte de répandre le christianisme parmi les «hérétiques» et les «païens». En matière de diffusion de «la foi par la violence», la chrétienté a un joli passé et un palmarès de choix se chiffrant en millions de victimes. Cela devrait inciter le chef de l'Église catholique à garder pour lui ses leçons de morale.

Michel ROCCO

Les chars Leclerc au Liban: Canons à vendre

L'arrivée de treize chars Leclerc au Liban a été saluée avec tambours, trompettes et trémolos patriotiques. La ministre a vanté leur «force imposante», l'ambassadeur s'est dit «fier et ému» de les recevoir, un militaire anonyme mais connaisseur les a décrits comme «les meilleurs du monde». Ce char serait le «fleuron de l'armée française», un «monstre de technologie» et même «le seul au monde capable de tirer tout en tournant». Pour le dire plus crûment, le char Leclerc tue mieux, plus de gens, de plus loin, avec moins de risques, et toute armée digne de ce nom devrait en posséder.

Pourtant, malgré toutes ces «qualités», cet engin n'a pas trouvé beaucoup de clients. À part l'armée française, qui a pour mission essentielle de défendre les marchands de canons hexagonaux, seule celle des Émirats Arabes Unis en a acheté quelques exemplaires. Car ce char n'a pas eu la chance de pouvoir faire ses preuves. Il avait en effet été conçu «pour détruire les chars soviétiques dans les plaines d'Allemagne», et l'occasion ne s'est pas présentée...

Son engagement au Kosovo, en 1999, n'ayant pas attiré de nouveaux clients, GIAT Industrie, le fabricant, et tous les industriels participants espèrent sans doute que, publicité aidant, l'expédition libanaise sera plus concluante.