Suède : Bonnet rose et rose bonnet21/09/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/09/une1990.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Suède : Bonnet rose et rose bonnet

Les élections législatives suédoises du 17 septembre ont vu la victoire de la coalition de quatre partis de droite (modérés, centristes, libéraux et chrétiens-démocrates) -réunis pour la première fois dans une «Alliance pour la Suède»-, avec 48,1% des suffrages (en progression de 4,1 points) contre 46,2% à l'alliance de gauche qui gouvernait jusqu'alors (sociaux-démocrates, Parti de Gauche ex-communiste et Verts) et perd 6,8 points.

Douze ans après avoir cédé le pouvoir aux sociaux-démocrates, la droite revient donc au gouvernement et son leader, Fredrik Reinfeldt, va donc succéder au social-démocrate Göran Persson au poste de Premier ministre. Un résultat qui passe pour «historique», dans un pays qui a été dirigé par les sociaux-démocrates durant soixante-cinq des soixante-quatorze dernières années.

La Suède a l'image d'un pays qui, sur bien des plans (égalité entre les hommes et les femmes, attention prêtée aux handicapés, niveau de formation, services publics, etc.), se classe dans le peloton de tête des pays européens. Mais derrière ce «modèle social», tant vanté par Ségolène Royal au cours des derniers mois, le décor est moins rose. Le chômage est en hausse: il atteint officiellement 5,9% de la population active, mais sans doute bien plus dans la réalité. Comme partout, le patronat s'affaire à baisser le coût du travail, «trop élevé» à son goût, c'est-à-dire en fait à réduire le niveau de vie des travailleurs. Et il y a, par exemple, 40000 cas reconnus de troubles musculo-squelettiques causés par l'intensification du travail, soit quatre fois plus qu'en France, un pays pourtant bien plus peuplé. Et s'il est difficile de faire des comparaisons, car les critères de reconnaissance ne sont pas les mêmes qu'en France, il reste que l'exploitation n'est pas moins forte en Suède qu'ailleurs.

Quant aux services publics, ils sont en régression. De nombreux bureaux de poste ont disparu dans les petites villes, où il faut désormais aller acheter les timbres au supermarché et non au bureau de la banque postale, qui ne se préoccupe plus que d'affaires financières. Les marchés de l'électricité et du transport ferroviaire ont été ouverts à la concurrence. Aujourd'hui trois compagnies de chemin de fer opèrent dans le pays, dont la Connex, filiale de Vivendi. Loin d'avoir contribué à améliorer le service cela a, au contraire, entraîné la multiplication des retards. Bien d'autres reculs ont eu lieu dans la santé publique ou dans l'éducation.

Cette dégradation des conditions d'existence du monde du travail suffit à expliquer la désaffection de l'électorat populaire vis-à-vis de la gauche au pouvoir. Le leader de la droite a cependant pris des précautions dans sa campagne électorale pour ne pas heurter de front cet électorat populaire. Il a proclamé son attachement à l'État-providence et s'est même payé le luxe de dénoncer la précarité et de dire que la Suède avait besoin d'un «nouveau parti des travailleurs»!

Toute cette démagogie ne va évidemment nullement l'empêcher de gouverner en faveur du patronat: réduction d'impôts pour les entreprises, augmentation de la prise en charge individuelle de la couverture de chômage sont, parmi d'autres points similaires, inscrits à son programme. Mais le fait qu'il ait pu tenir un langage largement emprunté à la social-démocratie montre qu'entre les coalitions en présence la différence est bien mince.

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