Ordre de «tirer et de tuer», avant de sauver !08/09/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/09/une1936.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Ordre de «tirer et de tuer», avant de sauver !

On parle de milliers, voire de dizaines de milliers de morts.

Les États-Unis disposent des meilleurs climatologues et le gouvernement était au courant de l'imminence de l'ouragan Katrina qui a touché ses côtes mardi 30 août. L'effet de surprise n'explique pas l'ampleur du désastre. D'autant moins que cela fait des années que des rapports mettent le doigt sur la fragilité des digues protégeant la Louisiane et le Mississipi, digues dont le Congrès a d'ailleurs coupé les crédits pour... financer la guerre en Irak. Quant aux îlots qui servaient de défense naturelle, les promoteurs immobiliers avaient obtenu l'autorisation de les détruire. Dans une région où cyclones et ouragans frappent annuellement, c'était préparer la catastrophe actuelle.

Certes, le gouvernement a ordonné l'évacuation, mais il ne l'a pas organisée. Que chacun se débrouille. Du coup, les gens ne savaient pas où aller. Certains n'avaient pas l'argent pour partir et attendaient le vendredi pour fuir, jour où la paie tombe. Pas étonnant dans ce cas que les victimes soient celles qui sont le moins à même de sauter dans une voiture et de s'enfuir. Car l'ouragan n'a pas frappé tout le monde: ceux qui avaient de l'argent n'étaient plus là. Et ceux qui n'avaient pas les moyens de se payer l'hôtel et le voyage? Ils ont attendu et beaucoup ont péri. Un drame bien plus social que naturel.

Les bus d'évacuation arrivent... après l'ouragan et en nombre insuffisant. Privés d'eau potable depuis plusieurs jours, des cas de fièvres et de maladies font jour. Quant à la nourriture, les rations ne sont distribuées qu'après cinq jours à attendre sur un toit ou un pont. Alors, il y a des «vols»... Vol des clefs de camions de distribution d'eau, vol de voitures pour fuir, vols d'une population livrée à elle-même et qui tente d'organiser sa survie. Mike, survivant de la Nouvelle-Orléans, témoigne au sujet des «pillards»: «Toutes ces bouteilles d'eau, c'est grâce à eux. Ils sont allés les chercher et ensuite ils les ont données à la population. Les autorités ne nous ont rien apporté». Et quand les renforts arrivent enfin c'est surtout pour protéger la propriété privée, alors que 300000 pauvres sont encore sur place. Face aux «pillards», les gardes nationaux ont reçu l'ordre de «tirer et tuer».

Kathleen Blanco, gouverneur de Floride, commente: «Ils ont des fusils M16 et ceux-ci sont chargés. Ils savent comment tirer et tuer. Ils sont prêts à le faire et j'espère qu'ils le feront»! Un sniper a déjà tiré des coups de feu à proximité du Superdome où des naufragés attendaient toujours d'embarquer dans des autobus. Les autobus manquent, pas les chargeurs de M16.

Ce qui manque aussi ce sont les hommes disponibles pour les secours: les 300 soldats rapatriés (sur 240000 actuellement présents en Irak) ne font guère le compte, même si la garde nationale est plus nombreuse. Quant aux hélicoptères de secours, ils sont dans le Golfe où ils servent à massacrer le peuple irakien. Question de priorité.

Le désastre provoqué par l'ouragan Katrina a montré l'extrême pauvreté de nombreux Américains. À la Nouvelle-Orléans, c'est plus de 30% de la population qui vit sous le seuil de pauvreté! Essentiellement des Noirs descendants d'esclaves, mais pas seulement. Dans les Caraïbes, les gens sont sidérés de voir ce visage l'Amérique. «Ça rappelle les Gonaïves» dit-on à Haïti. La seule différence, c'est que les États-Unis sont le pays le plus riche au monde et qu'Haïti est l'un des plus pauvres. Pour le reste, les pauvres de là et d'ailleurs connaissent le même sort.

Les États-Unis sont une grande puissance, grande d'inégalités et de pauvreté aussi. La colère qui monte actuellement contre Bush et l'ensemble des pouvoirs publics pourrait s'étendre. On peut l'espérer, car ce qui est mis à l'ordre du jour avec cette catastrophe est la nécessité d'un ouragan social.

Éditorial des bulletins L'Étincelle de la Fraction de Lutte Ouvrière, du lundi 5 septembre 2005

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